Bonjour,
Je me présente, Sandrine, officiellement « Mademoiselle ». Pourtant, je vous avoue, je me sens Madame parfois…
Oui, Mademoiselle vit avec un homme, depuis des années, elle a un enfant, paie les traites de la maison achetée à deux. La seule chose, c’est qu’elle paie des impôts de célibataire… La France est faite pour les couples mariés ! Y’a pas de case « Union libre » sur nos fiches d’impôts… J’ai appris à m’assumer seule, chéri partant en déplacement parfois toute la semaine, je me débrouille. J’ai mon propre cabinet de kiné, associée à part entière. Bref, je ne me sens plus « jeune fille en fleurs ouverte à toute possibilité » depuis longtemps. Pourtant, quand on me demande, je réponds avec un sourire taquin que j’ai encore mes ailes, ce qui généralement provoque l’hilarité de mon collègue de boulot qui rajoute « avec un homme et un enfant, bien plombées les ailes ! ».
Du coup, pour moi, ce statut relève d’une pure question administrative. Et franchement, c’est plus que dépassé. Je me surprends à sourire en cochant le ☑Melle…
Combien de femmes dans ma situation ? Pas envie de se marier, pourtant, leur vie a tout de celle d’une femme mariée. Elles portent elles aussi leur « nom de jeune fille ». Ben en fait, c’est surtout le nom que je porte depuis ma naissance, et sérieux, je m’étais habituée, me suis même battue contre ceux qui ont fait des jeux de mots ridicules avec lui. Je n’ai rien contre le nom de famille de mon homme, non, mais j’aime bien le mien, c’est tout ! Et accoler les deux, non, le mien est déjà assez long sans qu’on vienne lui rajouter encore un tiret et d’autres syllabes… Le pire, je me suis fait un (petit, à mon niveau hein) nom dans le métier, comme beaucoup de femmes, à force, on est un peu connue (beaucoup pour certaines), sous notre nom de jeune fille. On doit le laisser tomber ? Alors que la professionnelle est toujours la même. Certaines le font, c’est un choix que je respecte tout à fait, mais pas le mien. On me le laisse encore, ce choix, en France, alors je prends la possibilité la plus simple, et je garde mon nom.
J’ai connu pire, une amie a eu l’idée saugrenue (mais aujourd’hui possible en France, notez le) de garder son nom de jeune fille, même mariée… Elle ne l’a pas accolé à celui de son homme, elle l’a juste gardé, c’est devenue une Madame avec son nom de jeune fille. Et bien le système informatique de la Sécu ne l’a pas accepté, et elle a du faire des pieds et des mains ! Incroyable tout de même !
Ensuite, je connais des demoiselles qui se hérissent de s’entendre appeler « Madame » ! Jeunes ou moins jeunes, vraies célibataires ou en union libre, elles tiennent à leurs ailes. Moi, j’avoue je m’en fiche un peu, mais depuis que j’ai eu ma fille, les « mademoiselle » se sont fait très rares… Un peu vexant peut-être au début, puis non, c’est juste accepter de me voir vieillir en fait. Depuis que j’ai passé la trentaine, la jeune fille a quand même été reléguée au rang des souvenirs de jeunesse !
Et je connais aussi des demoiselles qui elles aimeraient pouvoir cocher la case Madame, parce qu’elles sont dans ma situation, avec famille, et tout ce qui va bien avec, et qu’elles se sentent « Madame ». Mais parce qu’elles n’ont pas signé ce fameux papier devant le maire, non, on ne peut pas cocher cette case, ça marche pas dans le formulaire. J’en connais une dans ma timeline, qui se reconnaitra si elle me lit, qui peste régulièrement contre cela. C’est elle qui m’a fait remarquer le problème la première…
C’est vrai que cela fait partie du sexisme ordinaire, et c’est contre cela que se battent les associations. Du moment qu’un homme est adulte, on l’appelle Monsieur, point barre, on ne se demande pas s’il est marié ou non. Pourquoi une femme doit elle se justifier de qui est officiellement dans son lit ? Et comme je viens de vous le montrer avec mon exemple particulier, la question n’a pas à se poser, elle ne veut plus rien dire dans notre société !
C’est tellement ordinaire que le débat fait rage, du moins sur le net. Beaucoup trouvent cela complètement ridicule de se battre contre cela, alors qu’il y a tellement d’autres choses dans la condition de la femme en France à défendre. Et le débat prend des proportions pas croyables, j’ai vu passer des tweets « crétines ou crétines » avec le lien du site (que j’aurais peut être du mettre dés le début de cet article en fait, oups, c’est que j’écris au feeling moi) : madameoumadame.fr. J’ai même vu pire dans l’escalade des insultes…
Honnêtement, je ne comprends pas ce besoin d’aller au contact, d’insulter l’autre. Mais c’est souvent quand les gens ne comprennent pas qu’ils vous décrédibilisent. Je défends les loups, et combien de fois on m’a dit « t’as franchement rien de mieux à foutre ou à défendre, quand des enfants meurent de faim, c’est ridicule ». Moi je dis, chacun son combat, j’estime qu’on a le droit de défendre ce qui nous tient à cœur sans se faire insulter ! C’est peut-être une bricole pour vous, mais c’est une bricole qui ancre la femme dans son statut de mariée ou non sur absolument tous les formulaires, même les choses les plus banales… J’ai voulu télécharger un morceau de musique pour écouter en tapant ce texte. Ma carte arrivait a expiration, et on me demandait de re-remplir le formulaire. Et on m’a demandé de choisir, avec la petite étoile *indispensable. Qu’est ce que ça peut bien leur faire que la personne qui achète cette chanson est une femme non mariée, sérieux, c’est pas ridicule là ??
Ah oui, autre chose, si je trouve cette distinction dépassée, du moins sur les formulaires administratifs, dans la vie que nous avons actuellement, ce n’est pas pour autant que je déteste les hommes, oh que non, je vous l’assure !! Être féministe, défendre les droits des femmes ne signifie pas pour autant détester les hommes comme je l’ai lu parfois !! On vire dans le cliché là ! OK, je me débrouille comme une grande, mais mon homme fait partie de ma vie et je l’aime, que ce soit dit, même si un curé ne nous a pas uni « devant le Seigneur », ni un maire avec une belle écharpe tricolore. Alors c’est un tort me souffle-t-on dans l’oreillette, tu devrais le faire, ne serait-ce que pour les impôts, puis pour payer à manger à la famille, ou même « juste histoire de régulariser » ! Mais je ne me sens pas dans l’irrégularité bon sang ! J’ai vu tellement de couples mariés se séparer que je me dis franchement, à quoi bon, si c’est juste pour le papier, c’est bon, on va se débrouiller sans, et vivre notre vie, avec nos deux noms sur la boîte aux lettres !
Alors, à quand des formulaires qui ne demandent rien de plus que : Homme ou Femme ?