S’il ne faut retenir qu’une caractéristique du grand changement que représente le web social dans la société, c’est bien entendu la possibilité offerte à chacun de prendre la parole de manière publique. Il n’est pas question ici de refaire l’histoire du web 2.0 ici (je vous rassure), mais de questionner l’un des concepts qui l’accompagne depuis son émergence il y des années de cela : l’idée que, désormais, chaque individu est un média.
A l’époque des blogs : tous journalistes !
Remontons le temps quelques instants. Nous sommes en 2004, c’est la folie des blogs et l’idée du journalisme citoyen, portée initialement par Agoravox et quelques autres. « Tous journalistes ? », demande à l’époque Benoît Raphaël. Quelques années d’expérimentation plus tard, le consensus semble s’être fait autour du fait que non, tout le monde n’est pas journaliste.
Le journalisme citoyen produit en effet beaucoup plus d’opinion -parfois experte, parfois de bas étage- que d’information, l’expérience Agoravox le valide amplement et Aurélien Viers, à l’époque rédacteur en chef de Citizenside et donc bien placé pour en parler (aujourd’hui rédacteur en chef numérique du Nouvel Obs), résume admirablement le concept en disant en substance qu’il ne faut pas parler de journalisme citoyen mais de témoignage participatif.
Et en effet, être journaliste, malgré toutes les critiques, légitimes ou excessives, qu’on adresse et qu’on continuera de leur adresser à la profession, c’est un métier, qui demande du temps, de l’expérience, un savoir-faire. Un métier challengé, qui évolue, qui s’interroge, mais un métier à part entière.
Aujourd’hui : tous médias ?
Depuis la belle époque des blogs florissants, le web 2.0 a évolué vers les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête dans l’imaginaire collectif, et l’idée que nous sommes « tous journalistes » s’est peu à peu transformée en l’idée que nous sommes « tous médias », ce qui n’est pas exactement la même chose.
Ainsi, nous serions tous médias. C’est l’idée, finalement très simple, que chacun d’entre nous a accès à la sphère publique et peut jouer un rôle de « médiation », par l’apport d’un contenu, d’une idée, d’un témoignage, d’une opinion, auprès d’un public.
C’est une idée simple et qui peut paraître évidente, mais qui à mon sens mérite réflexion. Tous médias, vraiment ?
La formule fait mouche, mais je crois que l’on doit défendre une autre idée de ce qu’un média est. En particulier dans une agence comme Angie dont le métier est de concevoir et produire des médias.
Comment définir un (vrai) média ?
La proposition qu’on a plutôt envie de faire ici, c’est que chacun n’est pas un média, mais un leader d’opinion. Ou un leader d’opinion en puissance.
D’abord, parce qu’il ne faut pas dévaloriser l’idée de média. Un média, c’est une exigence. Un média doit réunir un ensemble de caractéristiques. J’en retiens 4 :
1/ Un média se définit comme un outil ou un espace de publication défini : le journal que l’on tient dans ses mains, le blog, le webzine…
2/ Un média suppose une production de contenus — et non juste une reprise ou une transmission de contenus — récurrente : un média se définit aussi par une périodicité
3/ Un média suppose un public défini : le « lectorat » — interne ou externe si l’on parle de média d’entreprise
4/ Un média suppose enfin un contrat de confiance avec ce public, qui se traduit par une ligne éditoriale. La ligne éditoriale, c’est la promesse faite au lecteur. Cette promesse et la cohérence du contenu proposé créent la confiance du lectorat.
Si l’on remplit ces 4 conditions, alors oui, on peut parler de média, au sens noble du terme, au sens que nous avons envie de défendre ici chez Angie.
Tous médias, non. Tous leaders d’opinion, oui.
Et donc, est-ce qu’un collaborateur qui va se rendre une fois sur Note Ton Entreprise pour donner un avis est un média ? Un wikipédien qui va modifier la fiche d’une entreprise est-il un média ? Un forumeur qui va témoigner d’une mauvaise expérience produit est-il un média ? Un utilisateur de Twitter dont l’usage est de recommander des lectures et des contenus par le jeu des RT et des liens courts, mais sans produire de contenus, est-il un média ?
A mon sens, non. Ce ne sont pas des médias mais des leaders d’opinion. Des individus dont le pouvoir d’influence a augmenté avec l’usage des réseaux dans la population. Des individus qui parfois prennent en otage l’image d’une entreprise ou d’une marque sans même le vouloir, parce que Google les a fait remonter en première page.
Alors oui, ces individus ont un pouvoir d’influence, parfois faible, parfois insoupçonné, et c’est déjà un changement de paradigme important pour les entreprises qui doivent intégrer ce système d’influence dans leur réflexion commerciale, d’image, de réputation, de marque employeur…
Un individu peut être un leader d’opinion… plus rarement un média. Un blogueur assidu est un média, oui. Mais n’importe quel utilisateur de Facebook ne l’est pas.
Un média, c’est un projet. Il me paraît important de défendre une conception du média comme d’un objet à forte valeur ajoutée plutôt que d’en dévaloriser le sens en admettant que n’importe qui est média simplement parce que l’accès à la sphère publique est ouvert.
Et c’est aussi pour cela que l’entreprise doit concevoir ses publics, internes ou externes, comme des leaders d’opinion… mais ça, c’est une autre histoire.
François Guillot