Lorsque vous vous asseyez sur les rangées du milieu du théâtre d'Epidaure, il y a toujours un guide touristique qui se place au centre pour jouer un petit air de flûte. Et là c'est l'émerveillement de constater que vous percevez la musique comme si vous étiez à quelques pas. En grand scientifique que vous êtes vous vous éloignez en montant les marches, vous entendez encore nettement le son jusqu'à ce que vous ayez atteint la plus haute limite du théâtre à 60 mètres du centre et vous vous apercevez que le petit homme qui joue de la flûte n'est plus audible tellement les cigales sont bruyantes et couvrent de leur frottement d'ailes toute source sonore.
Polyclète le Jeune, architecte du théâtre semblait l'avoir compris ( hasard ou calcul ? ) au IV ème siècle avant notre ère. Plutôt que d'amplifier le son, il suffisait de filtrer le bruit de fond ! C'est ce qu'a découvert Nico Declercq qui a montré que l'agencement des rangées de sièges faisaient de ce lieu un filtre sonore, un piège acoustique qui supprimait les basses fréquences ( inférieures à 500 Hertz, ce sont les sont graves ) prépondérantes dans le bruit de fond. Notre oreille habituée à la reconnaissance des sons, "reconstruit" naturellement ces basses fréquences absentes des autres sons, tels la voix ou la musique, par interpolation comme nous le faisons en écoutant un petit auto-radio dont les haut-parleurs sont trop petits pour les produire.