Le documentariste qui aimait les autres

Par Borokoff

A propos de Los Herederos – Les enfants héritiers d’Eugenio Polgovsky 4 out of 5 stars

Au Mexique, quelque part dans les Montagnes, une communauté d’habitants vit dans une extrême pauvreté qu’ils lèguent de génération en génération. Dès leur plus jeune âge, les enfants travaillent à la ferme, aux champs ou à des métiers artisanaux…

Los Herederos – Les enfants héritiers n’est pas un brûlot politique, et s’il existe un « message » ou une critique politiques dans ce film, ils s’adressent bien plus au gouvernement mexicain qu’aux familles de ces enfants.

Au Mexique, plus de 3 millions d’enfants travaillent dès leur plus jeune âge dont pas moins de 500 000 aux travaux journaliers des récoltes de fruits et légumes. Polgovsky reconnait qu’« il y a des enfants qui sont tout simplement exploités par un membre de leur famille endetté. Mais il existe également des enfants dont l’activité s’inscrit dans une transmission culturelle (comme les) activités artisanales… »

Il faudrait aller voir ce documentaire rien que pour la simplicité et la franchise déconcertantes avec lesquelles Polgovsky en parle, lui qui a voulu montrer « ce qui est tellement quotidien [au Mexique] que ça passe inaperçu ».

Los Herederos – Les enfants héritiers n’est pas qu’un simple documentaire. C’est un hommage très personnel à une communauté d’hommes et de femmes qui travaillent dur pour s’en sortir. Une œuvre d’anthropologue sensible, forte, sans voix off ni interviews. L’héritage chez cette communauté n’a pas besoin de parole pour être transmis.

Ces enfants, Polgovsky les filme à leur hauteur. On sent, en même temps qu’un profond respect chez lui, comme de l’affection lorsqu’il filme leur grand-mère ou leur arrière-grand-mère. Ce regard plein d’attention du réalisateur mexicain, on le retrouve dans la manière dont sa caméra court après les enfants dans la montagne ou les suit à distance lorsqu’ils se chamaillent en riant sur un chemin.

Pourquoi ce point de vue depuis un enfant ? Sans doute parce que c’est là qu’il a su guetter au mieux la vie qui débordait chez cette population malgré la misère et les charges de travail harassantes.

Tantôt la caméra de Polgovsky regarde à distance ces enfants, tantôt elle les suit de près, caméra à l’épaule, lorsqu’ils partent couper du bois dans la forêt.  Le montage est alerte, « cut », qui rappelle certains films soviétiques du début du XXème siècle. De temps en temps, une musique de fanfare vient agrémenter le montage et insuffler un nouveau rythme au film. Filmé sur une journée de travail, Los Herederos – Les enfants héritiers rappelle le travail plastique (photos, films, vidéos) et la manière vibrante avec laquelle Miguel Rio Branco a su rendre hommage aux communautés très démunies du Brésil.

Parti avec pour seule équipe sa femme en preneuse de son, Polgovsky travaille dans la même veine que Rio Branco. A aucun moment, son travail ne tombe dans le jugement ni la complaisance. A aucun moment, il ne veut enjoliver la réalité ou la rendre enchanteresse. Son regard est celui d’un observateur soucieux de montrer la diversité des activités et les mœurs de cette communauté mexicaine.

Un des plus beaux plans du film, c’est lorsqu’une fillette dans les champs fixe la caméra avec un regard dur et triste, le visage couvert de boue. Elle rappelle celui d’une autre fillette dans un film costaricain récent : Agua Fria.

Si la survie pour cette communauté est un combat quotidien, elle n’empêche ni le rire ni la joie des enfants le soir…

www.youtube.com/watch?v=3UtZ5aYMFTo

Film documentaire mexicain d’Eugenio Polgovsky (01 h 21).

Scénario : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars