Première remarque, la salle est bourratche comme rarement je n'ai eu l'occasion de le voir (ma dernière venue remontait à quelque 5 ans) ; et c'est sous une chaleur moite d'épidermes divers et variés que l'obscurité se fait et que la belle Anna fait son entrée sur scène avec son groupe.
Groupe ? Celui-ci est réduit à sa plus simple expression ; le travail de l'ingé son n'a pas dû être pénible : ici une seule batterie, un harmonium à soufflets plus un assortiment de percus joués par une seule jeune fille et la guitare d'Anna à mixer.
Cela démarre de façon croit-on prévisible par les deux premiers morceaux du disque ; l'on se dit qu'elle va nous jouer son album dans l'ordre, et puis non !
"Rider to the sea", magnifique instru tout ruisselant de réverb et d'écho est magistralement asséné par Anna, on ferme les yeux, on enchaîne donc avec "No more words" et on s'imagine à un concert des Bad Seeds. La nouvelle coqueluche indé de l'année est adorable : ne communiquant que très peu par de vagues "merci, thank you", on la sent reconnaissante mais étonnée de l'accueil enthousiaste qui lui est prodigué par un millier de personnes.
Compte tenu du prix du billet évoqué plus haut, conjugué à un répertoire se limitant pour l'heure à une quinzaine de chansons, l'on se demande si l'on ne va pas assister au concert le plus court de l'histoire, rapport qualité-prix. Eh bien, Anna Calvi jouera tous ses morceaux, ne dédaignant pas les reprises d'Elvis qui parsèment ses singles. Sans esbroufe inutile le divin "Suzanne and I" paraît alors bien court ! Mais on atteindra l'heure et demie de concert !
Si à l'applaudimètre "Desire" recueille tous les suffrages, certains morceaux laissés de côté sur disque prennent c'est une évidence, une autre dimension sur scène. On se surprend à se dire que "bon sang, mais c'est bien sûr" à l'écoute des superbes "I'll be your man" et autre "Love won't be leaving". La grande classe d'Anna Calvi, ce sont sa simplicité et son talent, tout simplement.
Qui ne l'a pas vu habiter sa cover de "Jezebel" comme personne -et qu'elle aura bon goût d'interpréter en rappel- ne sait pas ce que s'approprier une reprise veut dire, tant ici la notion d'interprétation surpasse celle de création.
Dans la tête affleurent les rêves les plus fous qui bien évidemment ne se produiront pas : et si effleurant sa guitare hantée, elle nous faisait "Wicked game" de Chris Isaak ? Et pourquoi pas aussi une reprise inattendue d'un bon vieux Siouxsie ou P.J Harvey, en guise de clin d'oeil vocal à ses illustres consoeurs ?
Excellent concert donc, qui prouve si besoin était que Anna Calvi ne sera pas que la prochaine hype de Télérama, mais bien une artiste authentique qu'il devient vital, pour ceux qui ne se seraient pas encore décidés, d'aller voir ce mercredi 28 septembre au Rocher de Palmer de Bordeaux.
Mais peut-être aviez-vous déjà en poche votre place offerte par Babylone !