Bon, j'ai menti.

Publié le 27 septembre 2011 par Francisbf

Je savais bien que je ne tiendrais pas. En même temps, ça m'a permis de voir où étaient mes VRAIS amis, et les gens de bon goût. Hmpf. Y'en a pas beaucoup.

Cela étant dit, hein, j'ai toujours pas grand-chose à dire, si ce n'est rassurer Pat sur la question du roman : j'ai essayé, mais au bout de cinq pages, j'ai abandonné, parce qu'en fait, je n'avais rien à dire.

Pour la postérité, voici donc les premières pages de mon autobiographie, commencée il y a quelques années, qui n'est jamais, heureusement, allée très loin. Je vous l'ai même mis dans une autre police pour que vous puissiez faire la différence avec ce qui n'est pas mon autobiographie, c'est à dire jusqu'à la fin de ce paragraphe. Au fait, la famille, évitez de lire, c'est pas pour vous, c'est pour les gonzesses.

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Si je me lance aujourd'hui dans la longue et pénible tâche d'écrire mes mémoires, c'est en particulier pour mes petits-enfants.

Plus exactement, pour avoir des petits-enfants. Etant donné mon incapacité notoire à draguer couplée à mon sex-appeal de pécari asthmatique, j'ai décidé de me rabattre sur la solution idéale à laquelle se résolvent plein de losers : écrire un livre. Ainsi, je pourrai profiter des séances de dédicaces pour trouver l'âme soeur.

Je nous y vois déjà. Elle sera là, svelte et tremblotante, les yeux écarquillés par son audace, et me confiera dans un souffle « Je... C'est la première fois que je viens voir un auteur... le récit de votre enfance m'a tellement touchée, le souffle épique de vos aventures... » Elle rabattra une mèche de cheveux roux derrière une délicate petite oreille ourlée et cramoisie, déglutissant l'abondante quantité de salive que le trac lui aura fait sécréter, et je suivrai des yeux le trajet de cette salive le long d'une gorge ravissante, jusqu'à un décolleté soyeux et appétissant, et je lui ferai une dédicace pleine d'esprit et de sous-entendus, et je signerai de mon numéro de téléphone, et vogue la galère. En espérant qu'elle soit bonne cuisinière.

Ceci étant dit, il me reste ces mémoires à écrire, et je n'ai malheureusement pas les sous pour me payer un nègre. C'est une gageure pour quelqu'un comme moi qui, outre le handicap de n'avoir aucune mémoire des évènements, a eu une enfance totalement dépourvue de rebondissements et n'a pas vraiment entamé sa vie de grand (celle où on peut serrer des secrétaires lubriques entre deux photocopieuses, ou délivrer des otages de pirates somaliens)1.

C'est pourquoi j'ai décidé de saupoudrer cette autobiographie de notes n'ayant absolument aucun rapport, mais qui sauront éventuellement rallumer la flamme de l'intérêt de toi, lecteur (et surtout de toi, ravissante possesseuse de poitrine soyeuse), et auront en plus le double intérêt de rajouter de la pagination, me faisant croire que j'arrive à pisser de la copie aussi bien que Marc Levy, et de donner un petit côté conceptuel qui ravira les éditeurs audacieux et/ou désespérés encore plus que des fautes de grammaire telles que « l'intérêt de toi », dont je viens de me rendre compte.

Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, hein ! Quand je dis que mon existence a été pauvre en rebondissements, je veux juste dire que je n'ai pas vécu d'expériences particulièrement dangereuses (quoique, j'ai été mordu par un poney, une fois), pathétiques (quoique, j'ai porté une coupe au bol pendant des années, une fois) ou violentes (quoique, j'ai découpé un dauphin au sécateur, une fois).

Je ne vais pas prétendre non plus que mon existence a été plate comme la poitrine de Carla Bruni, non plus. Autant que je puisse en juger, ç'a été un beau foutoir. Parce qu'elle a beau avoir été particulièrement pleine de moi, qui suis stable et équilibré, l'honnêteté intellectuelle me force à reconnaître qu'elle a été également assez fournie en ma famille, mon existence.

Et qu'une famille avec des portugais, des guadeloupéens, des polonaises corsifiées, des bretons, des lozériens, des algériens libanais, des camerounais, des italiennes, des artiss', des profs, des syndicalistes, des belges, des biologistes en veux-tu en voilà, des médecins, des grands bourgeois, des nantis, des mamies poseuses-de-cierges-aux-examens, des mamies Alzheimer, des tontons-gâteaux transformés par la grâce du divorce en méchants-pires-que-Voldemort, des sportifs, des hypertendus, des nounous marocaines, des comptables, des paranoïaques, des snobs, des broyeurs-de-grenouilles, des juges, des croyants, des yogistes, des espions (enfin, je crois), des cordons-bleus, des geeks, et je ne parle même pas des pièces rapportées, ben, ça fait un peu foutoir. Joyeux foutoir, notez.

Rajoutez-y des amis bretons, mosellans, belges et assimilés, geeks, chasseurs de poissons, ermites ruraux, hystériques des hippopotames, castreurs de truies, branleurs d'étoiles de mer, écrivains, mangaphiles, chefs d'orchestre, blondes, rôlistes, communistes, comtes, odorants, thésards, informaticiens, roux, thésards en informatique, auteurs de bédé, et j'en oublie un paquet, et vous comprendez pourquoi j'en suis venu à compter sur ce livre (mine de rien, j'en suis à quatre pages)

Mais je vais faire avec les moyens du bord et commencer par le commencement, si vous le voulez bien (je sais, ce n'est pas vraiment une marque de sollicitude vis-à-vis de vous, lecteur, je ne vous laisse pas réellement le choix, mais on ne se défait pas d'une bonne éducation aussi facilement que ça, que voulez-vous).

1

En même temps, si j'avais pu me serrer des secrétaires entre deux photocopieuses, je n'aurais pas à écrire ces Mémoires pour me lever une belette.

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Le Commencement.

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Tentons le flash-back. Zoomez sur mon regard bleu comme un ciel de montagne en hiver, approchez-vous de mes pupilles liquides, et pénétrons ensemble mon plus ancien souvenir. Un écran blanc palpite, et le point se fait sur un berceau avec deux bambins dedans. Mon petit frère et ma petite soeur, la première image qui me vient à l'esprit.

En fait, non.

Mon premier souvenir est d'une grise après-midi dans un parc marocain, où, accompagné de mes parents et de ma grande soeur, j'ai officiellement été à l'origine de la conception des deux marmots précités.

C'est dans ce parc de [je sais plus le nom, en fait], où claquent les becs des cigognes et souffle le vent d'hiver, que j'ai lancé une pièce dans une fontaine à souhaits, enclenchant le processus de fabrication des futurs jumeaux.

Ha oui, nous étions dans ce parc parce que mes parents, ainsi que moi et ma soeur, donc, habitions au Maroc. Mon père faisait compter des graminées par des étudiants, et ma mère faisait quelque chose qui me permettait d'avoir un train électrique au Noël du consulat de France. Ce n'est qu'après que j'ai su qu'elle était assistante sociale, ce qui longtemps a signifié qu'elle mettait des tampons sur des papiers, et que des fois elle me laissait faire. J'ai encore quelques livres (de Yak Rivais, surtout) qui arborent fièrement leur appartenance au consulat de France à Rabat sur leur tranche.

Mais revenons à nos jumeaux. Enfin, aux miens. Du moins, à ceux de mes parents, qu'ils n'auraient jamais eus sans moi et un gros paquet de veine.

Parce que oui, rétrospectivement, je me dis qu'ils ont eu une chance de cocus, avant même leur conception, ces deux-là. Parce qu'il fallait que la pièce soit lancée pile-poil sur la table au milieu de la fontaine à souhaits, et que la fontaine était profonde, que la table était gardée par de farouches anguilles carnivores, et que la coordination musculaire d'un gamin de trois ans n'est pas franchement fiable.

Toujours est-il que ma pièce, après avoir touché la surface, a coulé avec la désinvolture nonchalante d'une feuille morte, échappé aux mâchoires des anguilles, et est venue se loger exactement dans le trou au centre de la table. Je ne sais pas si Dieu existe, mais il serait venu lancer sa piécette qu'il aurait pas fait mieux.

Et donc, tout excité, je me suis retourné vers mes parents, j'ai fait de ma voix fluette de blondinet « je veux un petit frère ou une petite soeur », et ma grande soeur m'a repris, et elle a dit « un petit frère et une petite soeur, ce serait mieux », et j'avais le droit de changer mon souhait parce que ma pièce était tombée dans le trou au milieu de la table, et j'ai changé, et un an plus tard, je me retrouvais en Lozère, chez ma mamie, encombré d'un petit frère et d'une petite soeur qui s'accaparaient paresseusement mes parents pas ravis. Enfin si, mais c'était pour l'allitération. La licence poétique, tout ça.

Je sais pas si vous vous rendez bien compte. A quatre ans, j'étais responsable de la venue au monde d'une future gauchiste effrénée et d'un futur broyeur de grenouilles au pilon. Et c'est la chose la plus importante que j'aie fait jusqu'ici, et celle dont je suis le plus fier.

Enfin, pour l'heure, ils n'étaient respectivement qu'un espèce de rôti rouge et vagissant pétant de santé et une crevette pâlichonne couverte de ventouses, qui avait échappé de peu à la faux de la Mort Subite du Nourrisson, ce qui aurait épargné bien d'innocentes reinettes, mais empiété sur la connaissance des populations de fourmis des parcs lyonnais. Un mal pour un bien, j'imagine.

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Voilà pour la première partie. S'il y en a que ça intéresse vraiment, mais genre vous allez vous faire pipi dans la culotte si vous pouvez pas lire les trois pages qui suivent, je peux être bon prince, vu que ça n'ira pas plus loin. Mais il faut que je sente votre détresse et votre amour, sinon, pfffrt.

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