Les Compagnons du Crépuscule (Bourgeon)

Par Mo

Bourgeon © 12 Bis - 2010

« Celle-ci dura, dit-on, cent ans… Rien ne la distingue vraiment de celle qui l’a précédée, pas plus que de celle qui l’a suivie… Comme la grêle ou la peste, la guerre s’abat sur la campagne quand on s’y attend le moins. De préférence, lorsque les blés sont lourds et les filles jolies… », ainsi débute chaque opus du triptyque des Compagnons du crépuscule.

Alors que la Guerre de Cent ans ravage le pays, trois individus vont se croiser et décider de faire un bout de chemin ensemble. En tête du cortège, un Chevalier anonyme qui, dans sa jeunesse, excellait au combat et aux tournois. Ses exploits faisaient naître des jalousies mais il est depuis tombé en disgrâce. Il a tourné le dos à sa noble quête et rallié les troupes de forces obscures, ne laissant derrière lui que morts et souffrances… jusqu’à son repentir. Depuis, il suit une quête solitaire, il ne sait où elle le mènera. De passage dans une contrée isolée, il rencontre Mariotte, une jeune donzelle dont la couleur de sa tignasse rousse lui vaut bien des tourments. Mariotte vit avec sa grand-mère, en retrait du bourg le plus proche. Les villageois regardent ces deux femmes d’un mauvais œil, ils prétendent qu’elles sont sorcières. L’Anicet fait partie des villageois médisants. Jeune puceau écervelé et lâche, il se rallie à l’avis du plus fort en bon opportuniste qui se respecte. Lorsque le preux chevalier fait son apparition quelques heures après le passage d’une troupe de soldats qui, pour se divertir, ont pillé, torturé et violé tout ce qui se mettait sur leur passage. Sans l’intervention du Chevalier, l’Anicet serait passé de vie à trépas ; le jeune homme va se mettre au service du Chevalier et devenir son écuyer. Quant à Mariotte, sa grand-mère l’a chassée de chez elle. Contrainte à errer, la jeune fille poursuit discrètement les deux hommes jusqu’à ce qu’ils la découvrent. Le chevalier décide de la prendre sous son aile.

C’est le début d’une aventure passionnante, d’une quête aussi personnelle qu’universelle, une lutte du Bien contre le Mal et l’occasion pour nous de voyager au pays des Légendes.

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Le volume que je vous présente est une intégrale qui regroupe les trois tomes de la série des Compagnons du Crépuscule. Publié pour la première fois entre 1984 et 1990, elle confirme le talent de François Bourgeon puisque ce récit est la seconde grande épopée (après Les passagers du Vent) écrite par François Bourgeon.

Attendu que les trois humains ont profané nos beaux terrains.

Attendu que, très gros,

patauds et lourdauds,

ils ont avec leurs gros sabots,

détruit un bien joli hameau…

Nous, Lutins anciens,

fameux magiciens,

portant la pourpre et le carmin,

avons tracé sur parchemin.

Les prisonniers sus-cités

seront dépecés et salés,

partagés dans tous les foyers

pour nos veillées et nos soupers.

Les Compagnons du crépuscule, c’est un voyage de près de 240 pages dans un univers fantastico-médiéval. Ce monde décrit à la fois le quotidien des campagnes de l’époque et les conditions de vie rendues précaires du fait de la Guerre de Cent Ans (famine, épidémie, troupes de soldats sanguinaires…). Les noms de personnages historiques illustres permettent de situer l’intrigue peu après Philippe le Bel. Le travail de reconstitution historique réalisé par Bourgeon est impressionnant, tant au niveau graphique que narratif. Sur ce dernier point, j’ai pourtant trouvé la lecture ardue du fait que les dialogues utilisent des termes de vieux français. Certes, cela aide à se plonger dans l’ambiance mais certaines tournures de phrases compliquent la compréhension de l’intrigue.

Graphiquement, cette série est un pur joyau. Les visuels sont lumineux, les couleurs collent parfaitement à l’époque. Scènes diurnes et scènes nocturnes sont travaillées à l’aide d’un jeu d’ombre et de lumières parfaitement traité. Comme dans les autres séries de Bourgeon, les filles y sont pulpeuses, sensuelles et partiellement dévêtues. La personnalité de chaque personnage est fouillée ce qui donne à chacun un charisme certain (même à ce stupide Anicet !). Rien n’est figé, les événements auront des répercussions sur chacun des protagonistes : les liens se tissent progressivement entre eux, ils murissent (surtout l’Anicet et Mariotte) ce qui renforce d’autant l’intérêt qu’à le lecteur à poursuivre sa lecture.

La mort d’en haut devient-elle trop douce, qu’on descende ici bas chercher plus raffinée ?

Au fil des pages, l’univers s’enrichit progressivement de références autres. Ainsi, des touches de fantastiques vont progressivement s’installer et devenir un élément principal du récit. Entre Légendes et Contes, cet univers s’inspire de l’héroïc-fantasy (nous y retrouvons le petit noyau de personnages qui se forme, la quête, la magie…). Dans ce long voyage, nous croiserons le Petit Peuple, un Loup-Garou ou bien encore la Mort (et ses différentes facettes). Même s’il est difficile de lire la série d’une traite, le récit n’en reste pas moins haletant et prenant. Les dialogues sont fins, plausibles et invitent le lecteur à réfléchir au côté absurde de la Guerre, des superstitions, des croyances populaires et de leurs dérives…

Pour ma part, j’ai particulièrement apprécié Les yeux d’étain de la Ville Glauque, second tome de la série. L’atmosphère qui se dégage de cet opus est envoutante. Elle se développe autour de deux mondes parallèles qui se répondent en écho et interagissent inconsciemment l’un sur l’autre. Il reprend également des éléments narratifs déjà exploités dans le tome précédent : l’enchevêtrement narratif créé autour d’une fine frontière entre le monde réel et le monde des rêves, la présence du Petit peuple et l’intérêt commun qu’on les hommes et les êtres fantastiques à unir leurs forces pour préserver l’équilibre entre le Bien et le Mal.

Le tome 3 quant à lui, est atypique comparé aux deux autres ouvrages de la trilogie. C’est certainement une des raisons qui a conduit le Jury d’Angoulême à lui attribuer en 1991 le Prix Fnac-SNCF – Prix du Public, une reconnaissance à la hauteur de la qualité de cet opus de 126 pages. Découpé en quatre temps forts et accompagnant le lecteur vers un dénouement que l’on imagine dramatique. Ici encore, la fine frontière entre réalité et onirisme est un ingrédient qui donne une grande force au récit. La portée des propos des personnages est indéniable.

Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux

Magnifique série de François Bourgeon qui emporte le lecteur dans une épopée passionnante. Seul bémol : la complexité des dialogues rend la lecture saccadée, j’ai souvent du reprendre ma lecture en arrière pour bien maîtriser les tenants et les aboutissants de l’intrigue.

Une lecture que je partage avec Jérôme, je vous invite à lire sa chronique.

Extraits :

« Je ne sais où vous allez, mais une quête insensée vous attire si loin que j’en ai peur… Cependant, étrangère parmi les miens, j’ai toujours rêvé de l’être parmi les étrangers » (Les compagnons du crépuscule).

« Petit être ou grand être, là n’est point la question !… En nous quittant, la vie nous laisse à tous le même masque dérisoire. Une petite coquille vide, ouverte ça et là au vent de nos questions, mais dont l’unique réponse est à jamais, Silence ! » (Les compagnons du crépuscule).

« La Légende… C’est ce qui nous reste des vérités d’hier, quand elles passent par le crible des vérités du jour d’hui » (Les compagnons du crépuscule).

« Je veux te regarder telle que tu m’a vue. Sans chaperon joli, ni mantel, ni cote ! Je veux que tu connaisses ce frisson de froidure qui inquiète la peau quand l’ombre d’un regard l’isole du soleil » (Les compagnons du crépuscule).

Les Compagnons du Crépuscule

Trilogie complète

Éditeur : 12Bis

Dessinateur / Scénariste : François BOURGEON

Dépôt légal : octobre 2010

Bulles bulles bulles…

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Les compagnons du crépuscule – Bourgeon © 12Bis – 2010