J'ai déjà plusieurs fois abordé ce concept de "dîner chic" que je substitue volontiers à une soirée au restaurant. Pour un budget tout à fait comparable on peut ainsi goûter des produits d'exception qu'on aura débusqués dans une grande maison. Fauchon est de celles-ci.
Voilà pourquoi je partage avec vous la dégustation que je viens de faire place de la Madeleine, orchestrée par François Robin, Meilleur Ouvrier de France, veste blanche col bleu-blanc-rouge, et Thomas Barrafon, responsable de la cave depuis quelques mois (au centre), accompagné du chef cuisinier, Jean-Pierre Clément (à gauche).
Il suffisait d'en disposer, à raison de quelques gouttes par litre de lait, de porter celui-ci à la température du corps, soit 37° et de laisser faire. Ensuite c'est une question de technique selon le résultat visé. Quant au petit lait, obtenu après égouttage, on peut l'utiliser ensuite pour faire ce qu'on appelle des recuites (d'où le nom de ricotta).
Nous avons commencé par une dégustation assez osée en terme de saveurs, mais parfaitement réussie, qui n'était pas une découverte pour moi mais que j'apprécie toujours (cf billet du 15 octobre 2010). Il s'agit de couper un fromage de type Val de Meuse en carré réguliers. De poser dessus une cuillerée à café d'un confit pour fromages, en l'occurrence la compotée de mirabelles au gewurtztraminer. De pulvérisez du gin et de servir immédiatement au bout d'une pique. (Je rappelle l'astuce de François Robin de se fournir en flacon sans propulseur acheté chez les grossistes fournissant les coiffeurs). Le confit figues-olives aurait été parfait pour accompagner un chèvre. Quatre variétés existent actuellement en attendant la cinquième avec une association poire-coings.
Certains d'entre nous se laissent aller à saisir une tranche de pain, pensant bien faire. L'idéal serait (mais ce n'est pas dans les habitudes) quelques tranches de pommes de terre bouillies ou des boulettes de riz mais pas un pain qui, de par sa teneur en sel ne va pas reposer le palais. Malgré tout le pain qui est à notre disposition est apprécié.
Le Tarantais, même jeune, présente des arômes caprins affirmés comme si on ouvrait la porte d'une bergerie. C'est un fromage très rare, dont la technique de fabrication reste secrète. Un Menetou-Salon domaine Gilbert s'accorde parfaitement avec ce fromage assez serré. Ce Sauvignon de Loire issu d'un domaine familial est typique des vins de Loire, libérant sa minéralité avant des parfums d'agrumes, puis d'ananas frais et enfin légèrement de lilas.
Les vaches de Salers passent toute la belle saison, d'avril à octobre, en altitude dans des conditions fort rustiques. Ce sont des bêtes élégantes dont la robe chocolat se détache sur le Plomb du Cantal. François Robin nous décrit le travail de Marcel et d'Elie qui sont sur le pont de 5 heures à 22 heures. Jusqu'à il y a encore trois ans, ils assuraient toute la traite à la main, ce qui représentait un beau travail même si la Salers ne donne "que" 10 litres par jour, loin des performances d'une Holstein qui en produit 70.
Seule la pâture est autorisée pour ces vaches qui sont si craintives qu'elles ne donnent leur lait uniquement si le veau amorce la traite. Le vacher dépose un peu de sel sur la fesse arrière du veau. La mère le lèche, le reconnait. On attache alors le veau à la patte avant de sa mère et la traite peut avoir lieu.
La gerle dans laquelle on recueille le lait n'est pas lavée tous les jours, ce qui préserve le gout du fromage qui est un produit ultra-vivant. Tout est fait manuellement : emprésurer, décailler, mettre dans la forme, refaire un deuxième fromage à partir du premier ... un travail énorme qui relativise la cherté du produit final.
Cette dégustation a été complète et le voyage gustatif une parfaite réussite. Je vous invite à le poursuivre sur le site de cette maison fondée en 1886. La série de quatre confits est un cadeau à retenir pour faire plaisir à une maitresse de maison à qui on ne voudrait pas offrir des fleurs ... parce que c'est périssable comme le chantait si bien Jacques Brel.