Murmures D'Irem - Collectif - 2006
Une Route semée d'Etoiles - Richard Bessière - 2006
D'Arkham à Malpertuis - Jean Ray et Lovecraft - Patrice Allart - 2006
Par ailleurs l’ODS se double d’une excellente structure éditoriale (les Éditions de l’œil du Sphinx), qui publie de nombreux ouvrages sur ces mêmes thèmes.
Pouvez-vous nous dire qu’est-ce qui vous prédestinait dans votre parcours personnel ou professionnel à faire ce type de recherches ?
P.M : C’est une vieille histoire, mais qui peut se résumer simplement. J’ai toujours été passionné par le mystère, essentiellement par le biais de la littérature d’imaginaire (science-fiction, fantastique) qui a été ma véritable « école de formation ». Et il est évident que lorsque l’on tombe dans cette « soupe », la tentation est forte d’aller voir de « l’autre côté », pour essayer de chercher s’il n’y a pas quelque chose de réel derrière tout cela. C’est ainsi qu’on débouche tout naturellement sur la science ou sur l’histoire. Cela dit, dans ce type de démarche, on peut rester spectateur (lecteur, auditeur) ou chercher à apporter sa pierre. C’est cette seconde voie que j’ai choisie, certainement parce qu’elle correspondait le mieux à mon tempérament. Peut-être aussi parce que dans ce type de « passion », je me sentais à l’origine un peu seul et que la création de l’association (qui va fêter ses 20 ans d’existence en 2009) était un excellent moyen de rencontrer des personnes ayant les mêmes centres d’intérêt. Et avec le recul que donne la durée, je suis encore aujourd’hui surpris du nombre d’amis, mais aussi de talents et de projets que cette initiative a permis de fédérer.
L’ODS est en fait un bouillon de culture regroupant tous les passionnés des Terres de l’Ailleurs qui cherchent à faire partager leur sensibilité ; les anciens (le plus âgé qui n’est autre que Claude Seignolle vient de franchir de façon guillerette le cap des 88 ans) épaulent les plus jeunes (notre benjamine a 22 ans), les talents se complètent (écriture, dessin, photo et nouvelles technologies), les frontières se dissolvent (fantastique, science-fiction, poésie, jeu de rôle, ufologie, sciences, ésotérisme…), les nationalités se mélangent (français, belges, suisses, américains, canadiens, australiens, roumains, anglais…) et les projets explosent… Nous sommes aujourd’hui, pour être précis, une bonne centaine de membres actifs.
Nous fonctionnons par le biais de publications dites de « small press », avec des tirages de l’ordre de 200 exemplaires qui s’organisent autour de nombreuses séries dont les deux majeures sont :
– DRAGON & MICROCHIPS (fantastique, SF).
– MURMURES D’IREM (mythes et légendes, tradition et ésotérisme).
Nous organisons de surcroît des rencontres régulières et de nombreux événements : participation à des conventions, visite de sites inspirés (Gisors et les Templiers, les Carpates et Dracula, le Providence de Lovecraft, Cracovie et la Kabbale, Prague et le Golem, Rennes-le-Château et l’abbé Saunière etc.…), réception d’un écrivain (Nancy Killpatrick, Philippe Ward….), participation à un atelier d’alchimie, soirées cinéma ou vidéo, etc. Nous intervenons régulièrement à la radio (Radio Libertaire, Radio Enghien, France-Culture, Ici & Maintenant…) sur de nombreux thèmes ayant trait à nos auteurs favoris (Lovecraft, Bergier, Limat, Moselli, Bessière….) ou à nos sites de prédilection (Glozel et les écritures, Rennes-le-Château et le trésor de l’abbé Saunière, Stenay et les Mérovingiens….)
Nous avons créé il y a sept ans maintenant une structure parallèle, Les Editions de L’Œil du Sphinx, une SARL au capital de 15.245 €. L’idée était ici de réunir suffisamment de capitaux pour assurer un débouché de qualité aux meilleurs de nos talents. Chacun sait qu’une association est un outil souple et sympathique, mais qui ressemble trop à un « puits sans fond » en matière financière !
Nous travaillons à notre rythme, celui d’amateurs éclairés. Nous avons ainsi publié plus de 40 ouvrages, de la poésie (Fantasmique et Faërie de notre benjamine Julie Proust Tanguy), des anthologies de nouvelles (Science-Fiction, Fantastique décadent, lovecratiana), une étude sur la magie (L’Art Obscur de Jean-Luc Colnot), de nombreuses études sur les grands maîtres de l’Imaginaire (Bergier, Seignolle, Verne, Limat, Lovecraft & Jean Ray, Sherlock Holmes, Moselli avec la réédition du Sultanat de Kazongo, Richard Bessière). Une collection, Serpent Rouge, est dédiée aux mystères de Rennes-le-Château. Une autre, la Bibliothèque Heuvelmansienne, est consacrée aux travaux de père de la cryptozoologie.
Notre association se double enfin d’une autre petite structure, l’Association pour les Recherches Thématiques sur Bérenger Saunière (ARTBS), qui a pour vocation d’étudier le contexte de l’affaire castelrennaise. Cette organisation organise un colloque annuel dont les actes sont publiés dans la collection Serpent Rouge. Voici la liste des dites manifestations :
- 2004, Colloque de Gisors
- 2003, Colloque de Rennes-le-Château
- 2005, Colloque de Stenay
- 2006, Colloque de Millau
- 2007, Colloque de Limoux
Le Colloque 2008 aura lieu à Sèvres, dans la région parisienne, bien connue pour son église mérovingienne placée sous le patronage de Dagobert II.
Concernant l’affaire de Rennes-le-Château, vous dites vouloir retrouver la réalité historique essentielle, dépouillée de toutes les créations fantasmagoriques, folkloriques et souvent apocryphes qui sont venues s’y greffer. Pouvez-vous nous en dire plus ?
P.M : Pour faire le lien avec ce qui précède, et avant de répondre à vos questions de nature castelrennaise, il me faut bien insister sur le fait que l’affaire de Rennes-le-Château est effectivement l’un de mes centres d’intérêt, mais ce n’est pas le seul ni même le principal. Nous avons évoqué les Editions de l’Œil du Sphinx, notre structure éditoriale. Si on prend le dernier catalogue de nos publications, on peut constater que sur les 60 titres proposés, un quart seulement a trait à ce sujet.
Cette remarque liminaire étant faite, mon intérêt pour la Colline Envoûtée vient de mon goût plus général pour la mythologie. Etudier un mythe ou une légende est une démarche passionnante, car elle est toujours inspirée par la préoccupation suivante : si l’on ôte l’habillage, que reste-t-il ? Et force est de constater que le mythe de Rennes-le-Château est un « mythe agglutinant », attirant tous les sujets les plus bizarres : de l’ufologie à l’alchimie, en passant par l’histoire revisitée ou la théologie révisionniste. J’ai essayé de proposer une méthode d’analyse dans le tome III de La Gazette Fortéenne.
Vous qui êtes un spécialiste de cette affaire, pouvez-vous faire un rapide tour d’horizon des différentes hypothèses qui semblent les plus intéressantes ?
P.M : Question clé, bien évidemment. Lorsqu’on se livre à un travail de dépollution approfondi, il reste à mon sens deux choses :- Saunière manipulait beaucoup d’argent, produit d’un trafic de messes évident mais aussi conséquence de la réception de nombreux dons. Les travaux de Laurent Octonovo sur la comptabilité de l’abbé Saunière [1] ont bien montré le caractère étrange des circuits financiers de l’abbé. Il recevait, certes, mais il ressortait également des sommes importantes, un peu comme s’il avait été à la tête (ou membre) d’une sorte de plate-forme financière ecclésiastique, en liaison avec de puissantes Congrégations Religieuses. Il y a là du reste un champ d’investigations important, à savoir, documenter plus précisément les « donateurs » et « les bénéficiaires ». Il s’agit à mon sens d’une piste fondamentale, même s’il convient de la remettre dans son contexte. Car Saunière était loin d’être le seul ecclésiastique à manipuler des sommes importantes, dans des conditions pas toujours très claires. On peut citer son supérieur, Monseigneur Billard, qui s’est rendu célèbre par une captation d’héritage sujette à polémiques ; on peut également faire allusion à son voisin ariégeois, le Révérend Père Louis de Coma [2], qui lui aussi récoltait des fonds très significatifs pour réaliser des constructions encore plus pharaoniques que celles du pasteur castelrennais.
- Mais je ne fais pas partie de ceux qui croient que ces trafics financiers, aussi importants qu’ils aient pu être, épuisent en totalité le mystère Saunière. Celui-ci a trouvé un trésor, cela ne fait pas de doute, tout le problème étant de savoir si celui-ci se résume à une simple découverte dans l’église ou à quelque chose de plus important. Ma conviction se base sur l’opinion des anciens du village, comme Antoine Captier qui est toujours fort précis sur le sujet. J’ai eu du reste l’occasion de rencontrer avec ce dernier une personne qui fut l’une des proches de Marie Denarnaud et qui nous a montré divers objets précieux ayant appartenu à l’abbé. Un livre devrait paraître sur le sujet, et je pense qu’il étayera de façon irréfutable cette thèse.
Le fameux trésor de Rennes-le-Château ne serait-il pas tout simplement spirituel et non pas simplement matériel ?
P.M : Il ne faut écarter a priori aucune thèse, y compris celle d’un trésor « spirituel ». C’est une thèse très à la mode, popularisée par L’Enigme Sacrée de Lincoln, Leigh et Baigent et transformée en un véritable feu d’artifice par Dan Brown avec son Da Vinci Code. C’est aussi une thèse prise très au sérieux aujourd’hui par tout un courant de jeunes chercheurs parmi lesquels se distingue Christian Doumergue.
Cela dit, et pour ce qui me concerne, je n’ai jamais trouvé un quelconque élément probant allant en ce sens. Cela appartient pour moi encore au domaine de la spéculation.
Parmi les chercheurs indépendants qui travaillent sur l’affaire de Rennes-le-Château, quels sont ceux qui vous paraissent les plus sérieux ?
P.M : Il y a beaucoup de chercheurs sérieux et passionnés dans cette affaire. J’ai cité Christian Doumergue, même si je ne partage pas toutes ses théories. J’ai évoqué Laurent Octonovo pour ses remarquables travaux sur le dossier financier du curé. J’ajouterai Patrick Mensior qui publie une revue annuelle, Parle moi de Rennes-le-Château, véritable outil de recherche approfondie dans la documentation historique castelrennaise. Je n’oublierai pas Antoine Captier et son épouse Claire Corbu, détenteurs d’une grande partie des archives de l’abbé. Et puis je ferai une mention particulière à l’architecte belge Paul Saussez qui a fait un excellent travail d’étude de l’église de Rennes-le-Château sur support informatique (Le Tombeau des Seigneurs, Arkheos productions 2004).
Le mystère de Rennes-le-Château et de son abbé Béranger Saunière semble être un jeu de piste sans fin. Pensez-vous qu’un jour, il soit enfin élucidé ?
P.M : Je m’intéresse à cette affaire très exactement depuis novembre 1973, et il n’est pas d’année où je n’entende dire : ça y est, cette fois l’affaire est réglée. Donc pour répondre à votre question, je pense effectivement qu’un jour le mystère sera élucidé. Mais le « un jour » fait référence à une échelle de temps que j’espère la plus longue possible, afin que l’énigme de notre village favori puisse continuer de faire rêver des générations de chercheurs !
Parmi les parutions récentes (en Français et en Anglais), quelles sont celles qui vous paraissent les plus importantes ?
P.M : La production saunièrologique est un phénomène extraordinaire, une sorte de source intarissable qui se transforme parfois en geyser violent. Tel a été le cas de 2004 à 2006 à la suite de la publication du Da Vinci Code. Je suis évidemment aussi un collectionneur, et je gère ma documentation castelrennaise sur un classeur excel. Et j’en suis aujourd'hui à 1375 références, tout compris (livres, revues, journaux, brochures, CD, DVD etc.……). Il y a évidemment « à boire et à manger » dans cette production dont une bonne part est de nature spéculative, pour ne pas dire fantaisiste. Les auteurs ont de surcroît souvent tendance à se recopier les uns sur les autres, transformant en vérités des affirmations souvent avancées sans vérification préalable. D’où la difficulté du genre.
Il y a bien sûr, dans les parutions récentes, beaucoup de bons bouquins, mais pas réellement de contributions stratégiques. Je pense que la bonne compréhension de notre affaire passe toujours par deux ouvrages incontournables, L’Or de Rennes de Gérard de Sède[3], et sa critique par René Descadeillas[4], La Mythologie du Trésor de Rennes-le-Château. Et pour qui veut approfondir les nombreux points historiques du dossier, je renvoie à la revue déjà citée de Patrick Mensior, Parle moi de Rennes-le-Château.
Sur un plan plus anecdotique, mais qui a son importance, il faut se rappeler que l’affaire de Rennes est le terrain de prédilection des « faiseurs de mythes ». On se souvient tous de « l’apport » de Pierre Plantard et Philippe de Chérisey en la matière, apport ayant pas mal faussé les cartes et orienté la recherche dans des impasses. Et ce phénomène semble intarissable : une auteure anglaise, par ailleurs réputée (Patrice Chaplin), vient cette année de sortir une autobiographie[5], City of Secrets, dans laquelle elle retrouve la trace de Saunière à Gérone. Le problème est que les documents qu’elle produit à l’appui de sa démonstration sont plus que douteux.
Toujours en matière de production, je voudrais aussi souligner la naissance d’un nouveau courant littéraire, cette fois ressortant du domaine des œuvres de l’imaginaire, celui de la « fiction castelrennaise ». Le roman est je pense un bon véhicule pour tester différentes hypothèses sans courir le risque de se faire aussitôt classer dans la catégorie des farfelus. Je citerai dans cette catégorie Marie-Madeleine, le Livre de l’Elue de Kathleen Mc Gowan[6] ou encore L’Héritage des Templiers de Steve Berry[7].
Quelles seront les prochaines parutions des Editions de l’œil du Sphinx ?
P.M : Pour ce qui est des disciplines saunièrologiques, nous avons sous presse, Rennes-le-Château, une affaire paradoxale, une première synthèse des travaux d’Octonovo avec des informations inédites sur le Prieuré de Sion, et bien sûr sur les flux financiers gérés par l’abbé et le rôle des Congrégations de l’époque. Nous avons également sous le coude deux DVD, une conférence de Michel Lamy sur la Littérature et Rennes-le-Château, l’autre reprenant les inénarrables cassettes de Jimmy Guieu sur notre sujet.
Sur d’autres thèmes, nous venons de sortir un pastiche holmésien, L’Affaire des Vierges de Glace de Sophie Bellocq-Poulonis et une étude sur Lovecraft et la Politique de Jacky Ferjault. Nous finalisons également le premier numéro d’une revue ésotérique, Historia Occultae, pilotée par Dominique Dubois et poursuivons la publication des œuvres du père de la cryptozoologie, Bernard Heuvelmans. …. Un éclectisme qui nous est cher !
[1] Voir notamment Les Actes du Colloque de l’ARTBS 2005 (Œil du Sphinx) et le DVD de l’Atelier Empreinte La Comptabilité de l’abbé Saunière.
[2] Cf notre article sur « Le Monastère Dynamité » dans la Gazette Fortéenne Tome 6 à paraître aux Editions de l’Œil du Sphinx.
[3] Réédition l’OEil du Sphinx 2007
[4] Editions Collot 1991
[5] Robinson 2007
[6] IXO 2007
[7] Cherche-Midi 2007
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Interview faite par Internet.Pour plus de renseignements : L'OEIL DU SPHINX
LES EDITIONS DE L'OEIL DU SPHINX