Ni bègue ni der, Baltha cherche à obtenir le fameux Prix de Flore, présidé par Begbeider !
Ces jours derniers
Tandis qu’ils menaient
Un prisonnier
De Corte à Ajaccio
Deux gendarmes étaient assassinés.
À ce propos,
Me revient à l’esprit
Un souvenir de voyage.
J’avais quitté la Provence
Pour la Corse. Là, je l’ai compris :
Ce peuple a la rage
De la vengeance.
Après avoir gravi
Le val d’Otta,
J’arrivais, au soir tombant, à Ovita.
Je frappais à la porte des Bromi
Pour lesquels j’avais une lettre d’ami.
Le mari m’exprimait son plaisir à me recevoir
Quand une forte femme aux yeux noirs
Vint me secouer la main :
-Bonjour, monsieur ! ça va bien ?
Elle enleva mon panama,
Rangea ma valise, ma gibecière
Avec un seul bras.
Elle portait l’autre en bandoulière.
Puis elle dit à son mari :
-Allez donc vous promener
En attendant l’heure du diner.
Soudain il s’arrêta et dit :
-C’est ici que mon cousin Jean Rinaldi
Fut tué par Mathieu Lota.
Tenez, lui était là, et moi.. là
Quand Mathieu apparut à dix mètres :
-Jean, ne va pas chez les Demaître.
(Tous deux suivaient Paula Demaître)
Je te tue si tu y vas !
De mon cousin je pris alors le bras :
-N’y vas pas ; il le ferait.
-Ce n’est pas toi qui m’en empêcherais
Alors Mathieu tira
Et Jean s’écroula.
Je regardais Bromi, stupéfait
Et lui demandais :
-Et Mathieu, l’assassin ?
-C’est mon frère qui le lendemain
L’abattit,
Ce bandit.
Je balbutiai :-Votre frère ?...
-Oui, la colère…
Et d’un air résigné, il ajouta :
-C’est le pays qui veut ça.
Comme madame Bromi
M’avait parfaitement traité,
J’insistais, au moment de la quitter,
Pour lui envoyer de Paris
Un cadeau de remerciement.
Paula hésita un moment :
-Envoyez-moi un revolver, un petit.
Et elle me précisa en secret :
-C’est pour tuer mon mari
Je fus effaré.
Elle déroula le pansement de son bras
(Celui dont elle ne se servait pas)
La blessure n’était pas cicatrisée.
Sa chair avait été traversée
Par un poignard
De part en part.
-Si je n’avais pu résister, il m’aurait tué.
Avec votre cadeau, je serai sûre de le tuer.
Je tins ma promesse.
Et sur la crosse, je gravis :
« Pour votre inclination vengeresse.»
Je n’ai jamais su ce qu’elle en fit.
Tirer vengeance d’un ennemi, c’est renaître.
Publilius Syrus (Ier s. av. J.C.)