D'un côté le gouvernement déclare que les émissions de CO2 des Français ont stagné, de l'autre, le cabinet Carbone 4, constate qu'une part importante de l'équation a été oubliée ! Si des réductions dans certains postes-clef comme l'alimentation ont été observées, d'autres, comme les transports et la consommation high-tech ont généré d'importantes quantités de CO2.
Les Français sont de plus en plus sensibles aux thématiques environnementales tels que le réchauffement climatique et la consommation de produits bio. Et pourtant, un Français " moyen " émet toujours plus de gaz à effet de serre pour s'équiper, se déplacer, se soigner, selon une étude du Cabinet d'experts Carbone 4, pour qui la lutte contre le réchauffement passera nécessairement par un changement de nos modes de consommation. Selon l'Ademe, en France, chaque ménage émet 15,5 tonnes de CO2 par an. Le cabinet Carbone 4 a lui enregistré une hausse de 13 % des émissions des Français, entre 1990 et 2010. "On croit, quand on regarde simplement nos émissions nationales, qu'on est sur la bonne voie et qu'on pourra réduire nos émissions sans violemment contraindre le consommateur. Nous, on constate que ce n'est pas vrai", explique à l'AFP l'ingénieur Jean-Marc Jancovici, co-fondateur du cabinet Carbone 4.
Un paradoxe dû à 2 méthodologies différentes
En effet, alors que les statistiques dévoilés par le ministère de l'Ecologie font état d'émissions de CO2 stables depuis le début des années 1990, et ce en dépit de l'accroissement démographique, le cabinet nous apprend qu'une erreur s'est glissée dans les évaluations des experts. En effet, pour parvenir à une telle conclusion, ceux qui ont donné ces chiffres sont partis de la quantité de rejets directs du pays et l'ont divisé par 62 millions, le nombre d'habitants en France. " A l'heure de la mondialisation, les choses ne sont pas si simples. Une large partie des biens et services consommés en France ont été fabriqués dans d'autres pays, avec pour résultat que nous profitons de la consommation de ces biens sans que les émissions correspondantes soient visibles dans les émissions directes de la France ", soulignent les deux fondateurs du cabinet, Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici dans leur édito de septembre 2011.
Pour établir le bilan carbone, le cabinet n'a pas simplement comptabilisé le CO2 émis depuis la France mais aussi, celui généré par la production de tous les biens et services consommés en un an par un "Français moyen". "La philosophie de notre calcul est donc de chiffrer les émissions qui correspondent non pas à la production française mais à notre confort de vie", résume Jean-Marc Jancovici. Avec cet élargissement, les résultats diffèrent sensiblement puisqu'entre 1990 et 2010, les rejets de CO2 ont augmenté de 13% par habitant.
High-tech, transports et services expliquent la hausse des émissions
Aussi, dans ce listing détaillé du "bilan carbone" de la "sphère privée" d'un Français, le cabinet passe au crible le nombre de kilomètres parcourus hors travail, la surface des logements, le nombre de kilos de viande mangés, l'achat et l'usage des téléviseurs, portables, etc. Côté alimentation, premier facteur d'émissions de GES en France, on constate une diminution certaine de la consommation de viande rouge, très émettrice en CO2. Les émissions liées au logement resterait pour leur part quasi-stable.
La principale cause de la hausse des émissions du Français identifiée par l'étude serait l'apparition en masse des appareils high-tech comme les téléviseurs à écran plat et les ordinateurs familiaux, qui réclament "un très lourd parc industriel en amont". Selon l'étude, ils génèrent des émissions de CO2 hors de nos frontières, la grande majorité étant fabriquée et assemblée en Asie.
Le Français émet également de plus en plus de CO2 pour se déplacer. Alors que les émissions liées aux voitures restent plutôt stables, on constate que l'avion, dont l'accès s'est largement démocratisé, est le premier responsable. A eux seuls, les déplacements en avion représentent 18% de l'impact GES des déplacements.
Enfin, on observe une hausse de 18 % des émissions liées aux "services" consommés par le Français moyen, au premier rang desquels figurent les dépenses de santé. Les services publics représentent plus de 70% de l'impact GES des services consommés par les ménages.
Alors que la lutte contre le réchauffement climatique et l'effet de serre arrivent en première position des préoccupations environnementales des Français (d'après le baromètre de l'ADEME réalisé tous les ans), on s'attend, à terme, à observer une réduction de leurs émissions de GES. Ce décalage entre la volonté et les gestes effectifs des consommateurs s'explique par une information brouillée. Si l'étiquetage énergétique des produits électroménagers a permis une meilleure information du consommateur, les produits alimentaires, mais aussi les services, restent encore difficilement traçables.
Célia Garcin