Pendant qu’en France nous avons les yeux braqués sur la primaire socialiste, aux Etats-Unis les Républicains s’activent eux aussi pour trouver le candidat qui battra le président sortant. Alors qu’à la fin du mois de mai, certains commentateurs de la vie politique américaine prédisaient la victoire inéluctable de M. Obama, suite à la mort d’Oussama Ben Laden, la montée en puissance des républicains combinée à des évènements défavorables au président a rendu cette élection plus équilibrée. La côte de popularité de Barack Obama est tombée à 40% (Gallup, 18 septembre), résultat faible en comparaison à ceux de Bill Clinton à la même époque (53% de confiance à 1 an de l’élection de 1996).
Un été noir pour la présidence de Barack Obama
Cette côté de popularité défaillante s’explique par les difficultés particulièrement importantes pour Barack Obama sur la période de juillet à septembre qui vient de s’écouler.
D’un point de vue géopolitique, si 72% des américains étaient favorables au plan de retrait des troupes prévu par la Maison Blanche en juin (Gallup, 29 juin 2011), la dégradation des conditions sur le terrain risque de porter préjudice à la stratégie mise en place par Barack Obama. La mort de 31 soldats américains en Afghanistan le 6 août 2011 ainsi que les attaques des talibans au centre même de Kaboul montrent que la situation afghane est loin d’être maîtrisée, malgré l’implication de Barack Obama. Les taux d’approbation de Barack Obama sur la question afghane ont ainsi chuté à 38% (Gallup, 17 août 2011).
Parallèlement, le souhait de l’Autorité palestinienne de faire reconnaître la Palestine comme un Etat au sein de l’ONU met Barack Obama en difficulté auprès de l’électorat juif traditionnellement démocrate. En effet cet électorat reproche à Barack Obama sa position trop « palestinienne ». Dans une élection anticipée dans un comté new yorkais, les juifs ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis de la politique américaine en Israël dans les urnes. Seuls 22% des personnes affirmant que la question israélienne est importante à leurs yeux ont voté pour le candidat démocrate (sondage Public Policy). Malgré cette érosion, Barack Obama garde un fort support parmi l’électorat juif (54% alors que son soutien parmi l’ensemble de la population est en règle général plus faible 41%) (Gallup 16 septembre).
D’un point de vue économique, l’amplification des problèmes de dettes et de chômage au cours de l’été 2011 réduit la crédibilité de Barack Obama quant à sa capacité à relancer l’économie.
Le débat sur le relèvement du plafond de la dette a été particulièrement difficile pour Barack Obama. Alors que ce dernier prônait en juillet 2011 une augmentation des impôts pour les plus aisés, les Américains souhaitaient surtout une baisse des dépenses de l’Etat fédéral. 55% des américains affirmaient craindre plus un relèvement du plafond sans réduction des dépenses de l’Etat fédéral que la crise qui risquait de s’ensuivre si la dette n’était pas relevée. (Sondage Gallup, 18 juillet 2011).
Dans le cadre de ce débat la direction des négociations par Barack Obama n’a pas été plébiscitée, seuls 41% des américains ayant approuvé le comportement de Barack Obama (Gallup, 28 juillet 2011). Il est globalement ressorti de cette crise que le leadership de Barack Obama s’était affaibli.
M.Obama a beaucoup perdu en crédibilité sur les questions économiques (26% de confiance en M. Obama pour la gestion de l’économie ; 29% de confiance en ce qui concerne l’emploi et 24% de confiance pour la dette) (17 août 2011). Dans le même temps l’importance des questions économiques a fortement augmenté aux Etats Unis. Les sujets de préoccupations majeurs des Américains sont les questions d’emploi (39%) les questions économiques (28%), les problèmes de gouvernements (14%) et les problèmes de dette (12% ) ( Gallup, 15 septembre).
L’économie risque donc d’être le sujet majeur de l’élection de 2012, et sur ce sujet, Barack Obama semble avoir des difficultés à se montrer crédible aux yeux du public américain. Sur ces sujets, l’intransigeance du Congrès à majorité républicaine rend les négociations difficiles pour Barack Obama et entame sa capacité à être leader, autant que ses compétences économiques, tandis que les candidats à la primaire républicaine tentent de montrer leurs compétences économiques.
Un nouvel espoir qui dynamise la primaire républicaine
La campagne républicaine semble en effet prendre de l’ampleur après une période d’attente pour voir des républicains proclamer officiellement leur candidature. Alors qu’en février 2007, les prétendants démocrates et républicains à la l’investiture de leurs partis s’étaient pour la plupart déjà déclarés candidats, il a fallu attendre le mois de mai 2011 pour voir les premiers candidats à la primaire républicaine s’annoncer.
Cette attente s’explique par deux raisons principales :
- D’abord suite à l’élection de 2012, le parti républicain a dû maintenir sa cohésion avec en particulier le Tea Party, puis il a du se renouveler et mener une campagne (victorieuse) dans les mid-term elections qui permettent de renouveler une partie du Congrès et du Sénat. Parmi les candidats à la Primaire républicaine, deux font figure de « vieux », Mitt Romney un ancien candidat en 2008 et Newt Gingrich, leader emblématique de la révolution républicaine. Parmi les autres candidats, celle qui s’était démarquée dans les années précédant la primaire est Michelle Bachmann, égérie du Tea Party.
- Par ailleurs Barack Obama semblait difficilement attaquable, et c’est seulement avec l’émergence des problèmes liés à la dette que les républicains ont commencé à annoncer leur candidature. En mai 2011, pour la première fois depuis l’élection de Barack Obama, les américains ont affirmé qu’ils préfèreraient voter pour le candidat républicain plutôt que Barack Obama, l’écart atteignant 47%-39% en faveur du candidat républicain en juillet. (Gallup, 14 juillet 2011)
La primaire républicaine a mis du temps à s’installer, mais l’aspiration des Américains à une alternance suite au premier mandat de Barack Obama et l’intensification des problèmes économiques a permis de mettre la primaire républicaine au premier plan.
La campagne républicaine s’est accélérée avec l’annonce de la candidature de Newt Gingrich, ancien chef de la majorité républicaine au congrès sous la présidence de Bill Clinton. Depuis, 9 autres candidats se sont déclarés. La grande absente étant Sarah Palin qui après avoir fait part de ses envies de concourir à la présidentielle ne s’est finalement pas présentée à ce stade. Rudolph Giuliani et Chris Christie font également partie des personnalités attendues qui ne se sont pour l’instant pas déclarées.
A ce stade deux favoris se distinguent assez largement
La candidature qui emportait tous les pronostics jusqu’à récemment était celle de Mitt Romney, gouverneur du Massachussets et ancien candidat malheureux en 2008 face à John Mccain. Selon une compilation des sondages réalisés par les différents instituts américains, Mitt Romney était le leader de tous les sondages jusqu’au 24 août 2011, date à laquelle il a été dépassé par le nouveau venu dans l’élection, Rick Perry. Mitt Romney, selon les estimations, remporterait aujourd’hui 24% (Gallup, 18 septembre 2011). Il est en forte progression dans les sondages après avoir été bousculé pendant un mois par l’apparition de la candidature de Rick Perry (14% d’intentions de vote au 21 août, Gallup). Mitt Romney est également le seul candidat républicain à l’heure actuelle à réunir plus d’intentions de vote que le président sortant (49% vs 47% pour M. Obama, Gallup, 18 septembre).
Rick Perry est l’actuel favori des sondages. Il s’est lancé très tard dans la primaire républicaine (13 août 2011). Gouverneur du Texas, il a beaucoup misé sur une campagne coup de poing, avec des phrases choc, qualifiant notamment les systèmes de sécurité sociale à des pyramide Ponzi (schéma économique associé à l’image de Bernard Madoff) ou s’étant fait remarquer lors du premier débat par sa position (applaudie) sur la peine de mort. Il a atteint un pic d’intentions de vote à 31% au 18 septembre 2011), mais sa campagne commencée de façon extrêmement rapide semble s’essouffler un peu, l’effet surprise des phrases choc n’étant pas aussi payant en terme de popularité au bout d’un mois et demi de campagne.
Les autres candidats semblent avoir plus de difficultés à se faire entendre, et aujourd’hui aucun de ces candidats ne dépassent la barre symbolique des 10%. On notera cependant parmi eux la présence de Michelle Bachmann, égérie du Tea Party et symbole des mid term elections. C’est elle qui a le plus perdu de l’apparition de Rick Perry dans les sondages, passant de 14% d’intentions de vote mi-août à 7,7% fin septembre.
Le mode d’élection des primaires rend cependant difficile les sondages américains
Tout d’abord, les sondages ont été faits au niveau national et non pas au niveau des Etats Américains. Aux Etats-Unis, le système de grands électeurs élus Etat par Etat, fait qu’un sondage national peut avoir peu de valeur. En 2000, Al Gore avait ainsi remporté plus de suffrages que George W Bush, mais avait perdu l’élection au nombre de grands électeurs.
Ensuite, les sondages actuels ont été faits au gré de l’annonce de candidatures et d’effets de surprise. La lecture des sondages actuels et donc le résultat actuel des sondages ne peuvent être lissés sur une conviction profonde de l’électorat américain/ républicain. Seuls les résultats concernant Mitt Romney qui est connu de l’électorat républicain et américain et qui a déjà participé à une primaire, peuvent donc être considérés comme relativement sérieux car stables dans le temps (depuis mars 2010, Mitt Romney oscille dans les intentions de vote entre 14 et 22% d’intentions de vote).
On peut ajouter à cela que les sondages prennent en compte les opinions des Américains quant aux déclarations des candidats et qu’elles ne prennent pas en compte l’organisation et les levées de fonds des candidats, qui ont en règle générale un fort impact dans les élections américaines. Le cas de Rudolph Giuliani en 2008 est particulièrement intéressant. Grand favori de l’élection au même stade en septembre 2007, il mise sur une campagne coup de poing dans les Etats qui génèrent beaucoup de grands électeurs. Il abandonne très vite la campagne face à la dynamique qui se crée derrière les candidats qui se battent pour chaque Etat.
Les primaires républicaines vont être réparties sur une longue période allant du 6 février au 26 juin. (le calendrier est encore susceptible d’évoluer). Au cours de cette période, des candidats sont susceptibles de se désister au profit d’autres candidats et ainsi faire pencher la balance pour l’un ou l’autre des candidats.
Si on compare ces élections avec la primaire républicaine à la même date en 2008, les candidats favoris des sondages étaient Rudolph Giuliani et Fred Thompson qui ont tous les deux rapidement quitté la course à la primaire. John McCain était troisième et réunissait 15% des intentions de vote. C’est lui qui a remporté la primaire républicaine.
La primaire républicaine est enfin lancée à plus d’un an de l’élection présidentielle de 2012. Le résultat est particulièrement difficile à décrypter du fait du mode d’élection. Barack Obama étant confronté à de fortes difficultés, la campagne républicaine occupe le terrain médiatique et tente de créer une dynamique (ce que les Américains appellent le « momentum ») susceptible de renverser n’importe quel adversaire. De son côté Barack Obama doit compter sur une embellie économique d’ici à l’été 2012 pour espérer aborder l’élection présidentielle en position de force.