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Struggle for Life

Publié le 27 septembre 2011 par Toulouseweb
Struggle for LifeL’industrie de la Défense américaine au comble de l’inquiétude.
Peut-être conviendrait-il de parler de panique, et non plus d’inquiétude : l’administration Obama, confrontée aux conséquences désastreuses d’une dette publique abyssale, est bien décidée, entre autres mesures, à réduire drastiquement le budget du Pentagone. Et, bien entendu, le lobby industriel s’agite et fait appel à tous les relais dont il dispose à Washington. Lesquels sont nombreux mais pas nécessairement efficaces.
On se perd dans les chiffres, les contradictions sont nombreuses, les commentaires partent dans tous les sens, les déclarations se succèdent à un rythme jamais connu dans le passé. Si les dépenses de Défense sont diminuées de 600 milliards de dollars sur 10 ans (le Budget Control Act mentionne entre 350 et 450 milliards), des programmes entiers seront sans doute annulés et des commandes fortement réduites. Alors que rien n’est décidé, que seules circulent des hypothèses, Washington bruisse de rumeurs qui ne sont pas toutes crédibles. Mais, sans plus attendre, une énumération tout à fait officieuse de commandes à sauvegarder coûte que coûte prend forme et on y trouve l’avion de combat Lockheed Martin F-35A Lightning II et le ravitailleur Boeing KC-46A. Encore qu’il ne soit pas exclu d’étaler ces achats très importants sur un nombre accru d’années.
Le chef d’état-major des Armées, l’amiral Michael Mullen, garde son sang-froid et, pour l’instant, se contente d’évoquer la nécessité d’établir une liste des priorités. D’autres responsables, plus émotionnels, évoquent les conséquences dévastatrices des réductions envisagées et, bien entendu, plus ou moins ouvertement, tous appellent de leurs vœux un retour au pouvoir des Républicains. Ce qui ne contribuerait évidemment en rien à rétablir les finances publiques d’une nation endettée au-delà de l’imaginable.
La difficulté n’est pas exclusivement budgétaire. Dès qu’est évoqué le coût de la Défense, c’est du statut de super puissance mondiale qu’il est implicitement question. Les Etats-Unis ont un rang à tenir mais, de toute évidence, ils n’en ont plus les moyens. Au-delà des déclarations des politiques, l’Aerospace Industries Association sort à présent l’artillerie lourde. Marion Blakey, déléguée générale, qui fut la première à tirer la sonnette d’alarme, joue tout à la fois la carte économique et celle du leadership technologique. Elle est efficacement épaulée par Jim Albaugh, président en exercice de l’AIA et par ailleurs directeur général de Boeing Commercial Airplanes.
Que dit Marion Blakey ? Que l’industrie aérospatiale et de Défense occupe plus d’un million de personnes et fait vivre, au-delà de son périmètre, 2,9 millions de personnes. Ses exportations sont soutenues (77,5 milliards de dollars l’année dernière) et apportent un solde net de 51 milliards à la balance commerciale. L’argumentation est solide, logique mais sans véritable originalité.
Jim Albaugh, lui aussi, multiplie les avertissements, mais sur un autre registre. Ainsi, à la tribune de l’Aero Club de Washington, il vient de rappeler le rôle vital du secteur aérospatial tout au long du siècle passé (contribution à la victoire de la Seconde Guerre mondiale, essor du transport aérien, l’homme sur la Lune, les satellites de télécommunications) et a vanté sur tous les tons les mérites d’une base industrielle forte. Il a aussi rappelé qu’aujourd’hui, aucun avion militaire nouveau, aucun hélicoptère nouveau n’est en cours de développement pour le compte du département de la Défense, une situation sans précédent. D’où son inquiétude de voir apparaître ce qu’il appelle un désarmement intellectuel : «sans investissements adéquats et une direction claire, nous allons perdre le capital intellectuel que nous avons mis 50 ans à construire».
Jim Albaugh a le sens le la formule. Il dit que l’Homme marchera tôt ou tard sur la planète Mars mais ce pourrait ne pas être un Américain. «De même, je déteste l’idée qu’un autre pays pourrait se poser sur la Lune, s’emparer du drapeau que Neil Armstrong y a planté et nous le rapporter». C’est sans doute la première fois qu’un industriel de ce niveau utilise de tels termes.
Le débat n’est bien entendu pas limité au seul secteur industriel. Ainsi, ces jours-ci, les Américains commentent avec passion un ouvrage qui vient de sortir de presse, «That Used to be Us» de Thomas L. Friedman et Michael Mandelbaum (1). Ce livre important, analyse brillante d’erreurs récentes, se veut aussi un credo, une tentative d’imaginer un retour à des jours meilleurs. Nous sommes des optimistes frustrés, expliquent ces deux sociologues qui n’hésitent pas à évoquer le lent déclin des Etats-Unis. C’est évident dans ce contexte difficile que s’inscrivent les déclarations de Marion Blakey et Jim Albaugh.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Publié aux Etats-Unis par Farrar, Straus and Giroux, en Europe (à Londres) par Little Brown.

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