Dotée de capacités attentionnelles et imaginatives exceptionnelles et d’un regard perçant, filtrant et très sélectif , la poète excelle entre autres dans l’art de la description .Et son stratagème est presque toujours le même : choisir un élément concret pertinent ou suggestif et passer tout de suite du réel au fictif en l’incorporant dans une image surprenante .
Dans ce poème-ci , plusieurs traits constitutifs ordinaires de Paris et de son ambiance ont été dégagés (façades - reflets – quartiers - soleil - terrasses de café – airs - foule - tôle - vent de Seine - trottoirs - recoins – toits – porches – vitrines - passages - halls - pavées – chats…) et de chacun d’eux a été générée une métaphore déroutante telle que : « l'éternel soleil butineur de terrasses de café et toujours au bord de l'évanouissement soudain / le soleil fureteur et duveteux, vaguement gras sur les trottoirs blonds / Paris poisseux qui n'en finit pas de vomir foule / les empilements chaotiques de toits /il entrevoit les cours pavées, comme autant de Saint-Graal inaccessibles saupoudrés de silence…). Et le résultat final de cet effort créatif est une atmosphère magique que les visiteurs de Paris ou même ses habitants n’aperçoivent pas mais qui constitue dans ce texte l’ajout de la poète au réel vécu , un ajout qui non seulement l’embellit mais qui lui confère une dimension philosophique .
A mon avis , le poéticien Philippe Hamon l’auteur du fameux ouvrage théorique intitulé Le descriptif consacré à l’art de la description serait agréablement surpris en lisant ce texte de prose poétique car il y trouverait certainement du nouveau .
Mohamed SALAH BEN AMOR
Paris, et ses façades platinées d'obscur.
Ses reflets, qui glissent sur les vitres des bus.
Ses quartiers, où le passé ne s'attarde jamais, tant la vitalité bouillonnante est avide de mouvement, de renouvellement perpétuel.
Paris ou le pays de l'éternel présent.
De l'éternel soleil butineur de terrasses de café et toujours au bord de l'évanouissement soudain.
Paris avec ses airs mi-figue mi-raisin...tout à la fois solennels et cruellement festifs.
Paris pétillant, léger, impatient, rageur...Paris poisseux qui n'en finit pas de vomir foule orageuses et corps ivres de déambulations.
Paris qui use les volontés et les corps...qui malaxe les chairs humaines, les tas de tôle et les mouvements dans un même tourbillon de ruée.
Et pourtant, il fait bon sentir le vent de Seine.
Il fait bon suivre le soleil fureteur et duveteux, vaguement gras sur les trottoirs blonds.
Il fait bon percevoir la présence des recoins et goûter leur charme étriqué.
L'oeil court sur les empilements chaotiques de toits comme il se perd à force de longer porches et vitrines...de s'insinuer au fond des passages cochers et des halls pénombreux où il entrevoit les cours pavées, comme autant de Saint-Graal inaccessibles saupoudrés de silence et visiblement, uniquement faits pour le frôlement des chats.
Patricia Laranco.