Mohamed SALAH BEN AMOR parle de la poésie de Patricia LARANCO.

Par Ananda

Dotée de capacités attentionnelles et imaginatives  exceptionnelles et d’un regard perçant, filtrant et  très sélectif , la poète excelle entre autres dans l’art de la description .Et son stratagème est presque toujours le même : choisir  un élément concret pertinent ou suggestif  et  passer tout de suite du réel au fictif en l’incorporant dans une image  surprenante .

Dans ce poème-ci ,  plusieurs traits constitutifs  ordinaires de Paris et de son ambiance  ont été dégagés (façades -  reflets – quartiers - soleil  - terrasses de café – airs -  foule - tôle  - vent de Seine -  trottoirs -  recoins – toits – porches – vitrines -  passages  - halls  - pavées – chats…) et  de chacun d’eux  a été générée une métaphore déroutante  telle que : « l'éternel soleil butineur de terrasses de café et toujours au bord de l'évanouissement soudain / le soleil fureteur et duveteux, vaguement gras sur les trottoirs blonds / Paris poisseux qui n'en finit pas de vomir foule  / les empilements chaotiques de toits  /il entrevoit les cours pavées, comme autant de Saint-Graal inaccessibles saupoudrés de silence…). Et le résultat final de cet effort  créatif  est une atmosphère  magique que les visiteurs de Paris ou même ses  habitants n’aperçoivent pas mais qui constitue  dans ce texte l’ajout de  la poète au réel vécu  , un ajout qui non seulement l’embellit mais qui lui confère une dimension philosophique .

A mon avis , le poéticien Philippe Hamon l’auteur du fameux ouvrage théorique intitulé   Le descriptif consacré à l’art de la description serait agréablement surpris en lisant ce texte de prose poétique car il y  trouverait  certainement du nouveau .

Mohamed SALAH BEN AMOR

Paris, et ses façades platinées d'obscur.

Ses reflets, qui glissent sur les vitres des bus.

Ses quartiers, où le passé ne s'attarde jamais, tant la vitalité bouillonnante est avide de mouvement, de renouvellement perpétuel.

Paris ou le pays de l'éternel présent.

De l'éternel soleil butineur de terrasses de café et toujours au bord de l'évanouissement soudain.

Paris avec ses airs mi-figue mi-raisin...tout à la fois solennels et cruellement festifs.

Paris pétillant, léger, impatient, rageur...Paris poisseux qui n'en finit pas de vomir foule orageuses et corps ivres de déambulations.

Paris qui use les volontés et les corps...qui malaxe les chairs humaines, les tas de tôle et les mouvements dans un même tourbillon de ruée.

Et pourtant, il fait bon sentir le vent de Seine.

Il fait bon suivre le soleil fureteur et duveteux, vaguement gras sur les trottoirs blonds.

Il fait bon percevoir la présence des recoins et goûter  leur charme étriqué.

L'oeil court sur les empilements chaotiques de toits comme il se perd  à force de longer porches et vitrines...de s'insinuer au fond des passages cochers et des halls pénombreux  où il entrevoit les cours pavées, comme autant de Saint-Graal inaccessibles saupoudrés de silence et visiblement, uniquement faits pour le frôlement des chats.

Patricia Laranco.