D'un côté l'immense baie du Mont Saint Michel dont on devine une minuscule silhouette par temps dégagé; de l'autre une des plus belle côté bretonne qui rejoint les remparts de Saint Malo.
Le vent nous fouette tout entier, déséquilibre nos pas, nous force à nous asseoir tout en plissant les yeux face au spectacle de la mer balayée d'écume, de bateaux pas très fiers au milieu de l'immensité de la houle et d'un horizon qui se fond dans la brume, nous rapprochant des cieux...
Le cul sur le granit, le spectacle des promeneurs est entier ...
Le vent joue avec la soie légère de sa robe et lui sculpte généreusement les reins, la croupe, le ventre. Mon regard est distrait par les motifs de sa culotte que le vent, aidé par la transparence du tissu, nous dévoile sans pudeur.
J'attends là sans ciller, respirant le vent, la main sur mon appareil, le moment où le cliché va s'imposer. Il sera rapide, à saisir dans l'instant, entre deux petites averses dont on ne sait si elle viennent de la mer ou du ciel.
Elle tend d'un coup son portable du bout des bras pour un auto-portrait et le temps d'un clic, le sien, le mien, la pause prend des airs d'actrice américaine, intemporelle, sortie tout droit de je ne sais plus quel second rôle dans je ne sais quel grand film, peut être Il était une fois en Amérique ...
Le vent, les formes, ce sourire discret en forme de petit rictus conquérant, ces yeux mi clos et ces sourcils en l'air qui rident le front le temps de la pause, ces jambes dénudées de baigneuse de vieille carte postale ... c'est dans la boîte, à tester en noir et blanc pour mon site me dis-je en visionnant la photo.
C'est dans sa boîte aussi mais je n'en verrai jamais le résultat.
Je me dis juste face à ma photo volée affichée en miniature sur mon appareil qu'on est toujours mieux face à l'océan, les cheveux dans le vent, pour paraître heureux et beau sur les réseaux sociaux ...