Du Pornographe à Tiresia, Bertrand Bonello a toujours été fasciné par la sexualité, ses mystères et ses troubles. Avec L’Apollonide, plongée dans le quotidien de prostituées d’une maison close parisienne à la fin du 20ème siècle, il s’attarde sur le corps féminin ; couleurs, meubles, corsets, panthère et femmes se côtoyant dans une ambiance anxiogène de fin de siècle. Longs plans-séquences et décor surchargé apparaissent alors comme autant de touches d’un tableau qu’il souhaite sulfureux … mais qu’il rend ennuyeux. Saisissant la langueur des jours, et l’état d’une époque, le malaise et l’atmosphère de ces lieux hybrides, entre minimalisme forcé (lieu unique) et démesure baroque, malaise et plaisir, le cinéaste se perd dans la représentation. Le film, aussi esthétiquement soigné soit-il, apparaît bien trop long, bien trop poseur. En toc.
Tiraillé entre deux points de vue (la reconstitution et la mise en perspective moderne), L’Apollonide fait preuve de maladresse, ne dit finalement pas grand chose. Parce qu’il n’est ni féministe, ni très féminin, il filme la femme avec froideur, distance, on y sent le regard de l’homme, du conteur qui étreint, mais sans vraiment saisir les douleurs, davantage intéressé par la notion de regard que de ressenti. Bonello se sent derrière chaque plan, on voit chacune de ses intentions en lettres massives (en témoignent ses bizarres split screen par exemple). Au final, L’Apollonide tient plus de l’exercice de style en bonne compagnie (Adèle Haenel, Céline Sallette, Jasmine Trinca, Hafisa Herzi, Noémie Lvovsky), qu’à l’expérience érotico-troublante espérée. La chair est triste, comme on dit.