Les élections sénatoriales, accessibles exclusivement aux grands électeurs, c'est dire l'importance de ces élections, ont bien excité la majorité présidentielle ce week-end mais aussi l'opposition qui a, pour la première fois, obtenu la majorité dans cette haute assemblée. Mais concrètement, quelles sont les conséquences réelles et sérieuses sur la vie politique de notre pays ?
Il faut avant tout poser la question de l'utilité de cet hémicycle.
Les sénateurs participent au débat législatif. A la manière d'un tennis de table, les députés et les sénateurs se renvoient les lois pour les discuter. Le Sénat peut effectivement ne pas être d'accord sur un article voire même la loi complète, et c'est à l'Assemblée nationale de revoir sa copie. C'est ce que l'on appelle la "navette". Mais cet échange n'est pas éternel. Comme l'explique très bien ce schéma, il y a tout au plus deux allers-retours entre les deux chambres et puis, sans accord, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot. On a juste perdu du temps. On en perdra un peu plus avec une majorité au Sénat différente de la majorité à l'Assemblée.
Autre point à soulever, le président du Sénat. Constitutionnellement parlant, le président du Sénat est le troisième personnage de l'Etat (après le Chef d'Etat et le Premier ministre) et le deuxième d'un point de vue protocolaire (depuis le 13 septembre 1989), il a en effet un rôle de remplaçant en cas de vacance du pouvoir, avec des pouvoirs limités par la Constitution (pas de référendum, pas de dissolution, pas de révision de la Constitution, il ne préside pas le Conseil des ministres) ; par la situation cocasse d'une possible cohabitation avec une majorité d'une couleur politique différente. Donc, il prend la place du Président de la République quand celui-ci ne peut plus exercer son rôle avant la fin de son mandat. C'est ce qui s'est passé à la démission du Général de Gaulle en 1969 et à la mort de Georges Pompidou en 1974. On observe donc que la situation est assez rare.
Alors, il est vrai aussi que le président du Sénat peut nommer des membres du Conseil constitutionnel : mais est-on sûr que ce Conseil des sages ait toujours favorisé les majorités auprès desquelles il se sentait le plus proche ? Je ne suis pas certain et c'est pourquoi je me permets d'émettre des doutes sur la loyauté des neuf membres censés être objectifs dans leurs décisions. N'oublions pas également, qu'avec la présence de deux anciens Présidents de la République qui se détestent, et peut-être bientôt trois avec Nicolas Sarkozy, les réunions promettent d'être tendues.
Alors pourquoi ne pas octroyer ce rôle au Président de l'Assemblée nationale ou au Premier ministre ? Le problème est en fait constitutionnel. C'est la Vème République qui a créé le Sénat sous la forme que l'on connaît actuellement, en 1958. De ce fait, pour transférer ce rôle à une autre personne, il faut changer de Constitution, voire, pourquoi pas, de République. Il faudrait donc faire réfléchir nos sénateurs sur une possible suppression du Sénat et donc d'eux-mêmes… Ce qui serait grandement ralenti ou empêché.
A l'origine, après la Révolution française, avait été créé un Conseil des Anciens. Le pouvoir de ce Conseil était quelque peu différent : celui-ci avait en effet le dernier mot car il adoptait ou rejetait la loi. Il y avait donc un réel contre-pouvoir. En outre, cette assemblée, dite "chambre haute", était composé des nobles qui avaient besoin d'une représentation nationale. Déjà à l'époque on se disputait les sièges… Mais aujourd'hui, après quelques siècles de politique et de changement de régime et de constitution, le pouvoir du Sénat s'est transformé. On se dispute les sièges, juste pour se les disputer et les donner à ses amis qui n'ont pas obtenu un siège à l'Assemblée nationale. C'est le même principe pour le Conseil économique et social, assemblée fourre-tout pour les oubliés des scrutins ou des remaniements.
On ferait en même temps une économie de plusieurs centaines de millions d'euros, par les temps qui courent, ce n'est pas négligeable, évitons de jeter l'argent public par la fenêtre.
Non, cette poussée historique de la Gauche dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg n'est que symbolique.