La première question qui vient à l’esprit, que signifie « cassetin » ? C’est le petit compartiment d’une casse d’imprimerie dans lequel sont rangés les lettres ou signes typographiques en plomb. Ce qui d’emblée plante le décor de ce roman, puisque Victor le héros, ancien typographe est désormais correcteur de presse. « Je travaille de nuit comme correcteur de presse dans un grand journal régional », répète inlassablement Victor au début de chaque chapitre.
Victor est un « gars ben ordinaire » comme dirait Charlebois, proche de la retraite, « petit, malingre et à moitié sourd », célibataire vivant avec sa maman grabataire, passionné de trains et collectionneur. Une vie calme et rangée, réglée comme du papier à musique, petit-déjeuner et déjeuner pris au café à côté de chez lui, le repas du soir est pris à la cantine du journal où c’est moins bon mais moins cher aussi. Du temps libre en journée, puisqu’il travaille de dix-huit heures à minuit.
Chargé d’écrire un article pour le bulletin d’entreprise, Victor raconte sa vie et son métier. Et là, vous saurez tout sur la typographie, des anciennes machines belles comme des locomotives aux nouvelles plus informatisées qui donnent moins de boulot mais moins de rigolades aussi. La technique et les trucs du métier, les syndicats, les licenciements progressifs qui annoncent la mort des ouvriers du livre, Bernard-Maugiron nous fait partager les joies et les peines de Victor, ses collègues, Chantal et ses gros nichons, Madeleine la déléguée du personnel, Germaine la chef, ses potes Jean-Pierre et Pascal, sa maladie professionnelle qui vient d’être découverte, le saturnisme.
L’auteur aurait pu écrire un roman naturaliste, genre Zola, mais il préfère utiliser le ton de la nostalgie et surtout l’humour. Chaque phrase est souriante, par le ton ou par le choix des mots et la fin du roman dont je vous laisse la surprise, dégénère en une déjante totale. Un livre très court d’une centaine de pages, mais réellement poilant, sans négliger le fond social. Un premier roman très réussi.
« J’ai travaillé pendant vingt ans au plomb puis, quand ils ont supprimé les linos, j’ai dû rejoindre le cassetin, c’est comme ça qu’on appelle le service de la correction, ou encore l’Académie, comme disent les metteurs en pages pour nous chambrer. « Eh l’Académie ! Faut-y une division à Palais-Royal ? – Oui, deux caps dive », qu’on répond, parce qu’il faut aussi mettre les capitales, c’est dans la marche maison. Avant, toutes les éditions étaient relues par une quarantaine de correcteurs, c’est peut-être pour ça qu’on disait l’Académie, comme sous la coupole à Paris. Maintenant, ce serait plutôt l’Académie des neuf, c’est nettement moins prestigieux. »
L’auteur présente son livre :