How Strange It Seems, kitsch ou double.
Alors que la fiscalité française s’apprête à matraquer l’univers californien des sodas, on s’inquiète à juste titre de ces douceurs que nous tenions pour acquises, délices sucrés imaginés alors pour nous faire oublier toute une Vie consacrée au Travail, au Respect et à l’Ordre forcément Juste. Loin des packagings rutilant de promesses caloriques, une autre douceur semble avoir été épargnée par la rigueur : la sunshine pop telle qu’on la jouait à L.A. entre 1966 et 1968. Bien plus qu’un sous genre, cette sœur jumelle de la pop anglaise cultivait naguère l’ambition de marier l’héritage des Beatles à celui de Burt Bacharach en oubliant les stridences du rock pour lui préférer ces édifices ouatés, tout en trompettes et violons dégoulinants. Depuis la pop s’est muée en power pop jusqu’au skate rock et autre fuzz pop dans les années 90 (Greenday, Neutral Milk Hotel). Véritable éponge de tous les genres possibles, la décennie 2000 se plongea dans une patiente relecture des décades précédentes. Mais en vérité, peu de musiciens ou groupes s’étaient penchés sur la sunshine pop de Curt Boettcher et Gary Usher. Du côté d’Athens, en Géorgie, pas en Grèce, un jeune homme décide de réhabiliter les fantômes de ces héros oubliés. Pas modeste pour deux sous, il s’entoure d’une trentaine de musiciens de studio et balance en 2008 un premier opus pas mal chantourné, How Will I Know If I’m Awake. Joli titre pour cette pop rêveuse. 2011, rebelote. L’album s’appelle How Strange I Seems, presque une déclinaison. Si la sortie fut discrète, les chansons elles ne font pas dans la discrétion. Courtes ou (beaucoup plus) longues, le faste semble en avoir été le maître mot. La même team de musiciens a été convoquée : flûtes, piano, trompette, harmonica, clavecin électrique, basse rondelette, saxo langoureux comme des baisers, chœurs féminins en veux-tu en voilà. Faste, mais not furious. Douceur angélique. Dans une emphase de producteur fou, méticuleux, glouton. Sortis de leurs papiers roses, les chansons se goûtent, napées de sucre glace. D’où une certaine kitscherie totalement assumée. Pour la faire courte, Brent y va cash (AHAHAHAHAH… Ok). Il joue son va-tout. Et il faut bien l’avouer, l’audace paye. On s’attache à ces onze titres débordant de chantilly, BO idéale d’un prochain volet des aventures d’Austin Powers. Blague à part, on le situerait plus dans la galaxie Ben Folds, la dimension sixties en plus. Mais, chose intéressante, bien qu’il se soit lâché niveau arrangements, les chansons du songwriter sonnent contemporaines, non « à la manière de ». Cette similitude le rapproche d’un Brian Wilson réenregistrant Smile en 2004 avec de jeunes musiciens de studio. Des chansons d’hier dans un vernis actuel, frais, pas figé pour deux senses. Le tour de force du disque va même plus loin. Là où d’autres auraient superposé mellotron, wurlitzer, farfisa et autres vestiges des glorieuses sixties, Brent Cash focalise toute son attention sur les parties orchestrales et sur le piano comme dans le morceau titre ou sur I Wish I Were A Song. Certes parfois, le kitsch, au combien sublime, nous ramène aux outrances de Days Of Future Passed des Moody Blues (Where Do All The Raindrops Go), mais on a envie de tout lui pardonner, y compris ses plus délicieux excès. The Heart Will Always Work Alone et ses élans bossa, It's Easier Without Her qui frise parfois le mid tempo rock, I Can't Love You Anymore Than I Do et son côté disco mielleuse, voire générique de série télé (son solo de basse harcore en tapping et son chorus de guitare très hard FM). Sur la fin, les choses deviennent plus sérieuses. I Must Tell You Now a quelque chose d’un Elton John en totale déprime, quant à Don't Turn Your Back On The Stars, les lignes de piano en cascade nous emmènent dans la salle de concert d’un paquebot de croisière. Tout cela sent la chemise pelle à tarte et le costume à paillettes, en mode Todd Rundgren crooner. Seul reproche : la voix de Brent, trop claire, trop lisse pour nous dévoiler sa réelle personnalité. Reste un album plus qu’honnête, par moment trépidant, jouissif, parfois attendu, scolaire (Just Like Today rappelant un peu trop le Dolphin’s Smile des Byrds) mais si foisonnant qu’on lui excusera tout cela. Même revisitée, l’élégance vaut toujours mieux que la vulgarité.http://www.youtube.com/watch?v=_ptfKGH6DqY&feature=related
27-09-2011 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 998 fois | Public Ajoutez votre commentaire