Mes collègues de travail vous le confirmeront, je suis devenu un peu freak de l’étude de l’influence de l’inconscient sur les décisions que l’on prend à tous les jours. Il s’agit d’un sujet controversé : plusieurs affirment que l’inconscient et les émotions brutes sont à la base de l’ensemble de nos décisions, alors que d’autres ont une approche plus nuancée et préfèrent croire que l’être humain se sert de son néo-cortex à bon escient en faisant des choix tout à fait raisonnés.
J’avais surtout lu jusqu’à maintenant l’application de ces théories dans un contexte marketing (ce qui motive nos décisions d’achat). Qu’en est-il du point de vue sociologique? Comment peut-on expliquer nos comportements dans nos relations interpersonnelles, nos orientations, notre vie en général? C’est ce à quoi s’attaque The Social Animal, de David Brooks.
Hormis le sujet en soi, l’intérêt de ce livre vient surtout de la façon que prend l’auteur pour avancer ses théories. Au lieu de nous garrocher une série de résultats d’études scientifiques dans un contexte académique, Brooks a choisi de le faire à travers la narration d’une histoire fictive mettant en scène Harold et Erica, deux êtres dont nous suivons l’évolution de la naissance à la mort. Par exemple, on apprend ce qui se passe dans le cerveau du père de Harold lorsqu’il a aperçu sa mère pour la toute première fois :
« Dès lors, un processus primitif s’est mis en branle. (…) Rob a tout de suite aimé ce qu’il a vu. (…) Il a aimé son sourire, et a inconsciemment remarqué que l’extrémité de ses sourcils pointaient vers le bas. Le muscle oculaire orbicularis, qui contrôle cette partie du sourcil, ne peut être contrôlé de façon consciente, donc lorsque le bout du sourcil pointe vers le bas, ceci indique que le sourire est sincère et non forcé. »
Voyez le genre. Vous comprendrez qu’il faut attaquer ce livre avec une certaine ouverture d’esprit. Si vous trouvez ce genre d’explication farfelue, vous aurez l’impression de perdre votre temps.
David Brooks est un éditorialiste politique du New York Times depuis 2003 mais s’intéresse depuis toujours à la recherche sur le cerveau humain. C’est d’ailleurs de là que viennent les critiques les plus négatives du livre. Comment Brooks peut-il parler de science dans chaque page sans être lui-même un scientifique? Il répond d’une certaine façon à cela dans la page du livre sur le site d’Amazon :
« This is not a science book. I don’t answer how the brain does things. I try to answer what it all means. (…) This story is based on scientific research, but it is really about emotion, character, virtue and love. »
The Social Animal est un livre fascinant. Il m’a permis de comprendre certains comportements de gens qui m’entourent et de m’interroger sur plusieurs des miens. Même si certaines théories peuvent s’avérer discutables ici et là, l’ensemble s’inscrit avantageusement dans la liste des ouvrages les plus crédibles que j’ai lus sur le sujet.