De Christophe Chabouté
Zoé vient de sortir de prison, elle y a passé les dix dernières années, dans la solitude d’un univers carcérale complètement déshumanisé. Sa grand-mère Mathilde est décédée il n’y a pas très longtemps en lui laissant pour héritage un peu d’argent et sa maison, quelque part dans un tout petit village, « La Goule ». De toute façon, Zoé voulait fuir… fuir un trop lourd passé, fuir la ville et son agitation, fuir vers un ailleurs, une nouvelle vie qui de toute façon ne pourra pas être pire que ce qu’elle vient d’endurer.
C’est un univers étrange, un village comme figé dans une impénétrable dimension qui attend Zoé. Le temps s’égraine lentement, presque différemment, et les rares habitants de ce triste hameau ne voient pas forcément d’un bon œil l’arrivée d’une « intruse » dans la communauté. Malgré tous les efforts de Zoé pour, si ce n’est s’intégrer, au moins vivre tranquillement une vie solitaire à l’écart de tout, sa présence semble réellement déranger quelques uns des villageois, et, plus qu’un accueil frileux, elle sera rapidement confrontée à des actes d’intimidation… Il y a aussi cette atmosphère épaisse, poisseuse qui s’immisce à chaque instant en toute chose, cette sensation malsaine d’avoir en permanence des yeux fixés dans son dos, d’être surveillé, épié. Mais que se passe-t-il à La Goule ? De trop nombreux secrets semblent enfouis dans les alentours et certains ne souhaitent absolument pas qu’ils soient déterrés, quel qu’en soit le prix à payer.
Indéniablement, la lecture de « Zoé » aura été pour moi une surprise particulièrement agréable. Plus encore que le scénario, même si il est particulièrement bien ficelé et tiendra en haleine le lecteur jusqu’à la dernière page, c’est le trait de Chabouté qui m’aura subjugué. Un parfaite maîtrise du noir et blanc avec de nombreux à plats particulièrement bien sentis, un dessin contrasté et nerveux qui selon moi donne une force, une profondeur très particulière au récit, l’ambiance glauque et pesante est merveilleusement bien retranscrite tout au long de l’ouvrage.
Et puis il y a ce sentiment « d’intemporalité » qui envahira à coup sur le lecteur et accentuera encore cette angoisse lancinante dont on s’imprègne à chaque page. « La Goule » pourrait se trouver n’importe où, à n’importe quelle époque, tout y est figé, le moindre détail semble englué dans une immense toile d’araignée dont il est impossible de se défaire…