Un des principaux avantages d’un média comme la série télévisée, c’est la possibilité de créer des personnages profonds et intéressants, et ensuite de les faire évoluer au fur et a mesure des épisodes. Alors qu’un film doit tout caser en deux heures, ce qui impose souvent des personnages « fixes » (dans le sens que leur personnalité n’évoluera pas pendant le film), une série peut se permettre d’insérer des personnages plus complexes, avec des traits de caractères pas forcément soupçonnés au début, et plus humains, qui vont changer et se transformer à mesure des évènements qui leur arriveront. C’est vraiment quelque chose de génial qui permet de développer des histoires d’une manière que peut difficilement se permettre le cinéma, mais ça impose d’avoir dès le départ une galerie de personnages qui soit un minimum intéressante. Or, c’est là que réside le plus gros problème de How to Make it in America.
Générique bien classe avec du Aloe Blacc, réalisation propre et efficace, vues de New-York plutôt originales: How to Make it in America (on va dire HMA hein) respire bon le hype et style. Ça tombe bien, parce que la série nous raconte l’histoire de Ben et Cam, deux beaux gosses qui veulent percer dans le monde de la mode, d’abord au travers d’une nouvelle coupe de jeans qu’ils aimeraient bien vendre, ensuite en saisissant n’importe quelle opportunité qu’ils peuvent trouver. Ça c’est le scénario principal, autour duquel gravite deux autres histoires : celle de l’ex de Ben, qui a des problèmes avec son copain actuel, et celle du cousin de Cam, qui veut démarrer une affaire de boissons énergétique.
New York en featuring
L’histoire se passe dans un New-York qui ne se résume pour une fois pas a l’Empire State Building, Times Square et le pont de Brooklyn : on découvre des quartiers et des endroits de la ville qu’on a pas l’habitude de voir dans les séries télés, et ma foi, c’est pas désagréable. On a donc deux types normaux qui veulent faire leur place dans un monde qui les fascine : c’est pas original, mais pas inintéressant, et ça peut donner quelque chose de vraiment bien. Sauf que bon…
Ben est un type blanc, de taille moyenne, toujours bien habillé (c’est plutôt recommandé quand on veut bosser dans la mode). Il n’est pas un grand tombeur, mais parvient quand même a choper quelques jolies filles. Il est gentil, mais pas trop, toujours amoureux de son ex, mais il a quand même une autre copine, courageux, mais parfois il désespère un peu. Son pote Cam est latino, alors forcément il chope plus et forcément il est un peu plus fougueux, mais l’idée reste la même. Vous voyez ce que je veux dire ? Les personnages de HMA sont normaux. Mais « Normal » ne veut pas dire « plat », « banal », « inintéressant » ou « chiant comme la mort ». Et malheureusement, ce sont des qualificatifs qui s’appliquent parfaitement à pratiquement tous les personnages de HMA. Par une sorte de miracle j’ai malgré ça réussi à éprouver de l’intérêt pour leurs pérégrinations.
Des personnages (trop) lisses
Les personnages sont tellement lisses que dans l’ensemble j’ai regardé cette série avec un détachement complet, et je ne suis vraiment pas sûr que cette série soit censée être regardée avec détachement. Et…c’est vraiment bizarre, parce que je n’en suis même pas arrivé au point de détester ces personnages. Je veux dire, dans certaines séries ou films, vous en avez tellement rien à carrer du type qu’il peut passer sous un bus sans que ça vous fasse quelque chose.
Là ce n’est même pas le cas car ces personnages sont tellement normaux qu’on ne peut pas les détester, parce que ça voudrait dire qu’on se déteste soi-même. Or, comme je l’ai dis, les deux héros (et la grande majorité des personnages secondaires) sont des types totalement inintéressants, voir même légèrement minables. Et du coup, par effet de miroir, cette série donne un peu l’impression au spectateur d’être aussi un minable. Je n’ai pas fait d’école de cinéma, mais je doute que donner au spectateur le sentiment qu’il est aussi naze que les personnages de la série qu’il regarde soit le meilleur moyen de le fidéliser.
Un scénario faiblard
L’autre problème c’est qu’il ne se passe quasiment rien dans la série, que les rares évènements ne sont pas passionnants et que dès qu’il se passe quelque chose, c’est un événement négatif pour les héros. La première (et pour l’instant seule) saison se termine sur une note positive, mais à part ça les deux protagonistes prennent déception sur déception quasiment en permanence.
Quand l’Afrique du Sud colle 87 points a la Namibie en coupe du monde de rugby, je n’éclate pas de rire, parce que ça me fait plus pitié qu’autre chose. Et là c’est un peu pareil. J’ai du mal a regarder une série qui consiste a avoir deux types pas très charismatiques qui échouent dans pratiquement tout ce qu’ils tentent. Ce n’est pas intéressant. Et je n’ai rien en soi contre un scénario un peu noir, mais dans un univers et avec des personnages comme ceux de HMA, ça ne passe pas. Les trucs positifs qui leurs arrivent ne servent qu’a compenser les évènements négatifs et arrivé au dernier épisode, les deux personnages principaux en sont exactement au même point que lors du début de la série.
Malgré tout ce que je viens de dire, je n’ai pas détesté How to Make it in America. En fait, je suis même plutôt curieux de voir à quoi va ressembler la deuxième saison (qui commence en octobre), parce que pour peu que les personnages deviennent un peu plus intéressant, ça peut être une série très agréable. Mais pour l’instant, elle est plombé par des protagonistes sans intérêt et un scénario sans grande saveur.
Oh, et si le réalisateur me lit (on sait jamais) : je comprends la logique scénaristique derrière le coup du « on arrête l’épisode pile au moment ou il se passe quelque chose ». Je sais que c’est pour frustrer le spectateur et l’encourager à regarder l’épisode suivant, mais si vous avez besoin de ça pour maintenir le suspense, c’est qu’il y a un gros problème du côté de votre script. Et c’est exaspérant aussi.