C'est ce qu'on appelle "faire le buzz". Après la leçon reçu des All Blacks, Marc Lièvremont s'est vertement adressé à deux journalistes, dans deux conférences de presse différentes pour leur reprocher leurs questions.
Le sélectionneurs jugeaient celles-ci déplacées. Plus grave, les journalistes se virent reprocher de n'être pas suffisamment au soutien du XV de France voire d'entretenir un "climat détestable lors des conférences de presse". Bigre ! L'accusation est forte. Elle est aussi riche de sens, quand bien même les deux saillies du sélectionneurs sont restées isolées et n'ont pas empêché les conférences de presse de se poursuivre sur un mode plus apaisé.
Marc Lièvremont est au centre de nombreuses critiques depuis plusieurs mois. C'est une évidence, sa position n'est pas facile et la pression est forte. Autre lapalissade, les journalistes ne sont pas les derniers à juger très négativement les performances de équipe et à l'écrire. Mais de là à les accuser d'être responsables, au moins en partie, des mauvais résultats et même de suggérer que certains parmi eux souhaiteraient que le XV de France se plante, voilà qui a de quoi interroger sur l'état d'esprit du sélectionneur.
Evidemment, on peut toujours trouver que certains journalistes vont trop loin dans la critique et ressortir le fameux précédent "Aimé Jacquet" de 1998. A l'époque, le sélectionneur des futurs champions du monde avait trouvé dans le journal L'Equipe un adversaire, pour ne pas dire un contempteur de sa méthode, une méthode qui, au final, permis sans doute à la France de remporter sa première (et unique jusque là) couronne mondiale en football.
D'une manière générale, la presse - et pas seulement sportive - cède assez régulièrement à la tentation du jugement lapidaire, du propos schématique et de la critique à l'emporte-pièce, qui a pour objectif de favoriser les chiffres des ventes. Mais gardons nous de généraliser, ni d'oublier combien cette même presse est désormais considérée par nombre de nos "décideurs" comme un vecteur parmi d'autres de plans de communications ne supportant pas la contradiction.
Au cas particulier de l'équipe de France, il n'est pas interdit de penser, et d'écrire, qu'elle n'a visiblement pas progressé depuis 4 ans, que son plan de jeu reste obscur et que certains de ses joueurs ne sont pas nécessairement les meilleurs à leur poste. Remarquer qu'incriminer en public tel ou tel joueur comme le fait Marc Lièvremont n'est pas nécessairement le meilleur moyen de les faire mieux jouer, ou se poser - et lui poser - la question de savoir si après la correction infligée par les Néo-Zélandais (pourtant pas à fond) on peut continuer à viser le titre, ne constitue pas crime passible du bannissement d'une salle de presse.
Les journalistes ne sont pas des supporters. Ou plutôt, ils sont les supporters d'une certaine idée qu'ils se font de leur sport. A partir du moment où ils ne cèdent pas à l'invective, on ne voit pas bien pourquoi il faudrait leur faire reproche de n'être pas en phase avec ceux à qui, au final, il appartient de trancher, faire des choix, décider.
L'écueil est plus difficile à éviter des liens de proximité qui peuvent se tisser entre journalistes, sportifs et dirigeants. C'est d'ailleurs cette proximité qui permet aux premiers de disposer des informations. Mais c'est elle, également, qui peut leur faire taire une information pour ne pas risquer de rompre la relation établie.
Ce fragile équilibre peut expliquer qu'il y ait, de temps en temps, un clash entre journalistes et sélectionneurs. Mais il ne doit en aucun cas justifier qu'on taise une opinion. Dans ce cas, le journaliste trahit son métier et devient un ministre, c'est à dire, étymologiquement, un serviteur. Marc Lièvremont, comme d'autres avant lui, est visiblement tenté d'appliquer aux journalistes le fameux mot de J.-P. Chevènement : Quand on est ministre, on ferme sa gueule ou on s'en va. Mais n'en déplaise au sélectionneur, un journaliste, c'est précisément quand il accepte de la fermer qu'il doit penser à s'en aller...