La “télé réalité” à son origine reposait sur le double principe de l’enfermement et de l’élimination successive des participants. Depuis cette forme originelle, les évolutions se sont empilées, ouvrant tout d’abord les lieux d’expression de ces émissions vers d’autres horizons (île déserte, château, etc.) avant d’anoblir de plus en plus le côté fictionnel que les producteurs injectaient dans ces émissions. L’exemple parfait de cette fictionnalité assumée demeure “Secret Story” qui par les secrets et les missions mobilise tout un arsenal scénaristique dont le public est désormais complice.
Par ailleurs, en janvier dernier, NRJ 12 proposait la première saison des “Anges de la télé réalité” qui marque en France une nouvelle étape dans ce type de programme. A l’époque, ici même avait été relevé la tendance de la nostalgie qui semblait vouloir sévir sur le genre. Néanmoins cette émission avait également, dans sa mécanique, éliminée un aspect fort des émissions originelles du genre qui était l’élimination successive des candidats. Dans ce programme, tous les participants (de vrais personnages avec des caractères affirmés) ont participé à l’ensemble de l’aventure. Avec chacun un objectif professionnel à remplir, cette émission s’est rapidement apparentée à une sitcom telles que les années quatre vingt dix nous en ont tant offertes.
Pourquoi alors dans un format si proche des sitcoms parle-t-on encore de “télé réalité” dans ces nouvelles formes d’émission ? Puisque fi des comédiens estampillés AB, désormais ce sont avant tout des lambdas qui assurent les “premiers rôles”.
Barbarisme entre la “télé réalité” et la fiction, cette constructed reality est en passe d’être injectée dans de nombreux programmes à venir voir s’est même déjà fait une place dans certains autres comme par exemple “Les ch’tis à Ibiza” où l’on suit une bande de fêtards du Nord de la France dans leurs aventures au cœur du monde de la nuit à Ibiza. Là encore, c’est “une tranche de vie” savamment mise en scène que les téléspectateurs suivent quotidiennement.
A l’étranger, cette tendance a pris dors et déjà un poids bien plus important que par chez nous. Exemple avec la série “Made in Chelsea” diffusée depuis mai 2011 sur E4 en Angleterre et qui chronique la vie aisée des habitants du quartier londonien de Chelsea. Les personnages de cette série agissent sous leur propre identité mais l’ensemble des interactions qui se déroulent au coeur des épisodes est scénarisé à la manière d’une fiction.
Entre fantasme d’une vie mouvementée et proximité vis à vis du public puisque ce sont de vrais personnages qui interagissent dans ces émissions, la “constructed reality” initie une veine de programmes de télévision dans lesquels les frontières se brouillent un peu plus et où tout un chacun, devant son écran, peut se rêver héros d’une fiction et non plus simple candidat.
“Constructed reality” ou quand la promesse d’être simple candidat de télévision ne suffit plus et qu’il est impérieux désormais de proposer un “rôle” plus gratifiant aux cobayes télévisuels afin qu’ils continuent à nourrir les programmes de leurs présences.
BANDE ANNONCE DE LA SERIE BRITANNIQUE “MADE IN CHELSEA” (E4)