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L’innovation selon France Télévisions

Publié le 26 septembre 2011 par Francoisjost

M. Pfimlin a déclaré sans rire il y a quelque temps : « La télévision publique prend des risques et innove », ajoutant qu’il vaut mieux « à certains moments réunir moins de monde, mais sur des projets différents ».
Samedi dernier, de retour d’un voyage en Argentine qui explique mon silence des dernières semaines, j’allume ma télévision pour reprendre contact avec la « culture » française et je tombe à 20h20 sur une émission dans laquelle un homme devine quelle coupe a choisi un coiffeur pour la cliente qu’il a entre les mains. Cet homme est Viktor Vincent, un mentaliste, que France 3 présente sur son site comme l'un des plus doués de sa génération, ajoutant que « sa capacité à influencer nos actes et à deviner nos pensées est stupéfiante ! ».
Quelle audace! Quelle innovation ! Après l’audience considérable de la série Le Mentaliste, sur TF1, la chaîne de service public prend le risque de chercher à vampiriser le succès de la chaîne privée en donnant vie, dans le monde réel, à son personnage imaginaire Patrick Jane. Selon le générique, la spécialité de Viktor Vincent est de « manipuler le cerveau humain. Il est capable de deviner vos pensées les plus secrètes et de vous amener à faire ce qu’il a décidé, que vous le vouliez ou nous ». Ce qui était de l’ordre de la « suspension de l’incrédulité », c’est-à-dire, ce qui relevait de la fiction dans la série américaine, est maintenant pris à la lettre et le chaîne se donne comme garante d’un phénomène paranormal. J’ai montré dans mon dernier livre, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ? combien cette thématique articulait habilement la soif de savoir du téléspectateur et le refus d’une science institutionnelle qui aurait la réponse à tout. Cette posture ambiguë, qui revient à jouer avec l’irrationnel pour flatter le public colle avec la première chaîne commerciale. Elle est maintenant reprise et confortée par une chaîne de service public sans sourciller.
Merci à France 3, dont le Cahier des charges de France Télévisions précise qu’elle « permet à ceux qui la regardent de trouver des repères, favorisant ainsi le lien social et une meilleure compréhension de leur environnement » ! Ce programme rentre-t-il dans cette obligation spécifiée noir sur blanc de « développer les connaissances du public sur l'actualité de la science, les avancées de la recherche et notamment celles qui ont des répercussions sur leur vie quotidienne d'aujourd'hui ou de demain » ? La réalité, c’est que France Télévisions, loin d’innover, a une stratégie de suivisme marketing. Le groupe court après les succès qui font de l’audience ailleurs et tente d’en imiter les recettes. On pourrait développer cette thèse en analysant l’autre programme phare de la rentrée, Sing off, 100% vocal, que France 2 a lancé pour courir derrière le succès des « crochets », succès d’ailleurs déclinant. Je n’ai pu trouver l’audience de Viktor le mentaliste, mais le jeu musical n’a fait que 9 % de parts d’audience. Offusquée de ce nouvel échec, Nathalie André, la patronne des divertissements et des variétés de France 2, menace dans le Parisien : si le public continue de bouder la nouveauté, « on va refaire des choses normales ». C'est quoi la normalité?
Il faudrait que les dirigeants de France Télévisions comprennent deux choses : d’une part que la stratégie de ce qu’on appelle la stratégie du « me-too » n’est jamais la bonne quand on veut être leader. Celui qui imite est toujours moins authentique que celui qui lance un produit ; d’autre part, que les téléspectateurs du service public n’attendent pas de celui-ci qu’il raisonne comme une chaîne commerciale et utilise les mêmes arguments.
Innovez, M. Pfimlin et ne vous contentez pas de singer vos concurrents !


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