Le Meurice, restaurant gastronomique
228 rue de Rivoli, 75001 Paris.
Tél. : 01 44 58 10 55. Site Web et cartes.
Prémices
Presque tout ce qui peut être écrit sur le Meurice et son chef Yannick Alléno l’a déjà été : Luxeat en 2007, diner sur mesure des GoT en 2008, rapport très détaillé (mais non exempt de coquilles et d’approximations) de FoodSnob en 2009, plus expéditif sur A Life worth eating. En septembre 2010, c’était Pudlo, en octobre, c’est la sortie d’un livre, Terroir Parisien auquel a contribué Mr Lung. Certains adorent et crient au génie, d’autres restent hermétiques (bien, mais pas transcendant). Et c’est aussi un peu mon cas…
Parfois, malgré la meilleure volonté au monde, et les plus beaux atouts, ça ne passe pas, à cause de petites choses toutes bêtes (comme ça par exemple). Pour une raison que je n’arrivais pas à cerner, j’avais peu de sympathie pour le Meurice, palace parisien cousin du Plaza Athénée (tous les deux font partie du groupe Dorchester) et pour le chef de son restaurant gastronomique (trois étoiles Michelin), Yannick Alléno (au talent surement aussi grand que son égo). Je passais devant le Meurice presque tous les matins à vélo, et ne me suis jamais enflammé pour ce palace.
L’ancien restaurant du Jardin d’Hiver était un bel endroit à la cuisine délicieusement banale, c’est devenu le Dali. Côté bar, on croise souvent Ardisson et d’autres célébrités dont je ne suis pas fan, le service manque de finesse et les prix sont astronomiques, en haut de fourchette de ce qui peut se pratiquer dans d’autres grands hôtels.
Débuts
Un déjeuner dans leur restaurant gastronomique, pendant la Semaine du Goût 2009, me permet finalement de mettre un nom sur ce que je ressens pour cet endroit : nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre.
O, F et moi étions invités par PY. C’est O qui avait choisi le Meurice, l’Arpège étant déjà complet. Un trois étoiles pour remplacer un autre trois étoiles, nous ne prenions pas beaucoup de risque…
L’endroit n’est pas dépourvu d’atouts. Superbe salle classique, service classique aussi et de très bon niveau (mais assez distant), chef de grand talent, mais aux goûts discutables (comment peut-on aimer la Maison de l’Aubrac?).
La carte (disponible en ligne pour une version à jour- tarifs fin 2009 ici) est joliment détaillée : entrées (60-105€), poissons et crustacés (75-115€), viandes, volailles et gibier (80-120€), desserts de Camille (Lesecq), (29€). Au déjeuner, un menu terroir parisien (relativement abordable, à moins de 80 euros, pour une entrée, mer, terre et dessert). Et bien, sur, un « super » menu menu dégustation (220€ pour 8 services, dont fromage et deux desserts), avec la possibilité de se laisser aussi guider sur les vins (160€ de supplément pour l’accord complet). Cerise sur le gâteau pour un maniaque comme moi, un petit index (un peu snob) des abréviations utilisées.
Arnaque?
On s’aperçoit et on est déçu de l’absence d’effort particulier pour la Semaine du Goût. Leur « participation » à la Semaine du Goût n’est que pur opportunisme (comme au Violon d’Ingres et ailleurs…). Passons! Je décide de remettre les compteurs à zéro et de profiter de cet endroit magnifique, à la cuisine réputée… À table, c’est plutôt classique et sans suprise, à part cette grande sous-assiette dorée, qui restera là pendant tout le repas. Menu terroir parisien pour tous.
Quelques hauts, et pas mal de bas!
Amuse bouche et autres petites bouchées pour commencer tranquillement et se mettre en appétit. Petits dés de saumon fumé avec leur petit chapeau de crème compact et une touche de verdure (« sucette de saumon fumé »). Frais et agréable, mais assez simple… Plus d’originalité à droite, avec une petite mousse dense et sèche sur cuiller, une bouchée florale et un troisième grignotage…
Là encore, niveau beurres, on joue sur la dualité : originalité avec le « jambon beurre » d’un côté (amusant), et le plus classique de l’autre.
Cette mini entrée aux crustacés et aux oursins (produit que l’on ne goûte pas souvent au restaurant, mais que Yannick Alleno semble apprécier) me plait. Une mousse aérienne, onctueuse, fine, au crustacés, renforcée par quelques langues d’oursin (le corail) au goût puissant. Une belle création. Après, ça se gâte un peu, hélas.
Le « pâté Pantin, maraichère de cœurs de salades » est sympathique, bel effort pour ne pas faire oublier ce classique souvent relégué aux présentoirs réfrigérés des traiteurs, à côté des coquilles Saint Jacques à la normande (chez Dalloyau par exemple). Le pâté Pantin est un pâté en croute, cuit au four, sans moule ni terrine et qui se mange tiède (Larousse). Et bien, oui, on est fidèle à la recette, c’est une entrée agréable et sympathique, qu’on apprécierait beaucoup dans un bistrot ou une brasserie. Dans un trois étoiles, je m’attends à mieux! Cœur de laitue, petits oignons et quelques herbes apportent une agréable et simple fraicheur.
Effilochée de morue au haricots chevrier. Morue, cabillaud, OK, rien à dire sur la cuisson. Ce plat aurait fait, là encore, fière impression dans un bon bistrot gastro, au Meurice, ça ne m’emballe pas.
Aller, on ne m’accusera pas de ne rien aimer, je suis très sensible aux beaux couteaux. Ce Thiers à la lame damassée es très élégant.
Aiguillettes de canard sauvage à l’orange, cuisses en petits boudins noirs, navets fondants et pommes gaufrettes. Encore un grand classique (qui tient plus, cette fois, de la cuisine bourgeoise que de la brasserie ou du bistrot). Mignons jolis et bons, mais pas très copieux. On a quitté le recettes de bistrot pour entrer enfin dans du vrai gastro! Pas trop tôt.
Les fines chips sont top.
La transition vers la fin et le sucré s’effectue à travers ce granité de pamplemousse. Sobre et efficace.
Les mignardises, sont soignées. On reste dans l’univers gastro/addition à trois chiffres.
Pour le dessert, hélas, on « retombe » dans le registre bistrot/brasserie : fine tarte bourdaloue, poire et crème d’amande (la dernière fois qu’il y avait de la bourdaloue et que je n’ai pas pu y échapper, c’était pour un repas d’équipe chez Renault, en 2004-2005, à Guyancourt). Certes, la réalisation est impeccable et la recette initiale et banale est sublimée, mais je reste frustré par ce sucré.
Bilan
J’ai particulièrement apprécié la préparation aux oursins et le canard. Le reste m’a laissé indifférent (amuse-bouche, granité, mignardises), ou dans l’incompréhension (pantin, bourdaloue, éffiloché). Une grande maitrise, mais peu d’originalité. Un registre curieusement (et volontairement?) bistrot (est-ce cela, le terroir parisien), dans un cadre de la palace. Après la vague des bistrots gastronomiques (cuisine recherchée dans un cadre simple, pour une addition pas trop alourdie par le service et la déco), j’ai l’impression que Yannick Alléno tente de lancer un contre courant : le gastro-bistrot, avec un cadre de palace, un service de palace, un prix de palace et des recettes de bistrot. Cela marche peut-être pour certains, moi je n’y retournerai pas.
Rédigé par chrisos