J'étais au paradis des songes. L'endroit où s'échouent tous les rêves qui ne se sont pas accomplis. Principe de conservation de la substance onirique - rien ne se perd.
Je tutoyais les étoiles. Elles s'amusaient de savoir qu'Aristote les avait décrété parfaites. Non, elles étaient loin de l'être. Certaines étaient coquettes, d'autres jalouses. Entre autres.
Il ne fait jamais sombre au paradis des songes. La lumière vient des étoiles qui se sont évanouies quelque part dans l'éther. Lux aeterna comme on dit dans le requiem.
Les hommes et les femmes sont beaux. L'atmosphère est empreinte de cet érotisme diffus qu'on ne trouve que dans les rêves - un désir continu qui reste toujours désir, qui ne se convertit jamais au plaisir. Un désir qui s'enivre de soi.
J'étais heureux de me promener dans tous les rêves inachevés de civilisations. Elles étaient toutes ici et j'avais l'âme d'un historien de l'Atlantide.
Et puis je fus saisi d'un malaise: et moi ? Qu'est-ce que je faisais ici ?
J'ai fini par me rendre à l'évidence: quelqu'un m'avait rêvé puis avait fini par renoncer à moi. C'était pour cette raison que j'étais ici - et pas une autre. J'étais un songe échoué.
Je suis devenu mélancolique. Je ne parlais plus à personne. Tout le monde me regardait avec tristesse, devinant le mal si commun qui m'habitait.
Ceux qui résistaient à ce mal gagnaient le droit de rester au paradis des songes. Les autres finissaient par disparaître définitivement, rongés par la mélancolie. Car il n'y a pas de place dans aucun paradis du monde pour le mal. Quel qu'il soit.
Je me suis dit qu'en disparaissant, je disparaîtrai aussi complètement de l'âme de celui qui m'avait rêvé. Mon mal à moi, c'était sa santé à lui. Mieux valait en finir complètement.
C'est comme cela que j'ai quitté le paradis des songes.