Maurice Scève, représentant le plus illustre de l’école poétique lyonnaise (regroupant aussi Louise Labé et Pernette du Guillet), est né à Lyon, entre 1500 et 1505, dans une famille bourgeoise fixée dans le quartier Saint-Paul depuis le début du 15e siècle. Le père du poète a exercé de hautes charges municipales, étant échevin et juge mage.
Son existence reste mal connue. Après une solide formation intellectuelle, il se retrouve vers 1530 en Avignon, attaché au vicaire de l’archevêque. En 1533, il participe aux recherches du tombeau de la mythique Laure de Noves, épouse d’Hugues de Sade, la dame que Pétrarque avait aimée et chantée dans son Canzoniere, morte en Avignon lors de la peste de 1348. Il croit trouver cette sépulture dans laquelle est gardée un sonnet qu’il attribue à Pétrarque. Cette découverte lui vaut une certaine célébrité, et les félicitations du roi François Ier, lui-même grand amateur de poésie pétrarquiste.
De retour à Lyon, Scève fréquente les cercles cultivés, écrit et participe en 1536 à un concours de blasons lancé par Marot. Il remporte, pour son Blason du Sourcil, la palme décernée par la duchesse de Ferrare, Renée de France.
Cette même année semble celle de sa rencontre avec Pernette du Guillet, poétesse lyonnaise, en qui on s’accorde à reconnaître l’inspiratrice du long poème Délie, objet de plus haute vertu, paru en 1544.
Figure de premier plan dans la vie culturelle locale, mais aussi membre d’une des riches familles qui se partagent les charges officielles de la ville, Maurice Scève est le principal organisateur des fêtes données en 1539 et 1540 lors du passage de François Ier à Lyon. Il est également chargé de régler les festivités somptueuses de l’entrée royale de Henri II et de Catherine de Médicis à Lyon en 1548.
La fin de sa vie reste mystérieuse. Il élabore un dernier texte, grand poème cosmologique, Microcosme, paru chez Jean de Tournes à Lyon en 1562.
Au silence ou au dénigrement qui marquèrent près de trois siècles et demi de relatif oubli, ont succédé un grand nombre d’études, de publications, et une curiosité fascinée pour cette obscurité même qui fut tant reprochée à Délie. On n’en finit plus de redécouvrir Maurice Scève, ce Mallarmé du 16e siècle.
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Œuvres
Délie, objet de plus haute vertu, Lyon, Sulpice Sabon, 1544
Saulsaye, églogue de la vie solitaire, Lyon, Jean de Tournes, 1547
Microcosme, Lyon, Jean de Tournes, 1562
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Plus tôt seront Rhône et Saône disjoints,
Que d'avec toi mon coeur se désassemble :
Plus tôt seront l'un et l'autre mont joints,
Qu'avecques nous aucun discord s'assemble ;
Plus tôt verrons et toi et moi ensemble
Le Rhône aller contremont lentement,
Saône monter très violentement,
Que ce mien feu, tant soit peu, diminue,
Ni que ma foi décroisse aucunement.
Car ferme amour sans eux est plus que nue.*
Si tu t'enquiers pourquoi sur mon tombeau
L’on aurait mis deux éléments contraires,
Comme tu vois être le feu et l'eau
Entre éléments les deux plus adversaires :
Je t'avertis qu'ils sont très nécessaires
Pour te montrer par signes évidents
Que si en moi ont été résidents
Larmes et feu, bataille âprement rude :
Qu'après ma mort encore ci dedans
Je pleure et ars pour ton ingratitude.*
Tout le repos, ô nuit, que tu me dois,
Avec le temps mon penser le dévore :
Et l'horloge est compter sur mes doigts
Depuis le soir jusqu'à la blanche Aurore.
Et sans du jour m'apercevoir encore,
Je me perds tout en si douce pensée,
Que du veiller l'âme non offensée
Ne souffre au corps sentir cette douleur
De vain espoir toujours récompensée
Tant que ce monde aura forme et couleur.In Délie