[Guest 15 : Rod Glacial]
POURQUOI BERLIN ?
Parce que j'y vis banane. Maintes a priori vérifiés ou non à propos de cette ville. Etat à part entière, indépendant de l'Allemagne, la métropole est la réplique européenne de New-York par rapport aux USA, une ville à part. La gentrification a commencé bien plus tard ici, mur oblige, ce qui laisse encore des années avant que le territoire soit entièrement bouffé par l'euro. C'est une de ses caractéristiques principales, le marché est bon. On dirait que rien n'a changé depuis le deutsche-mark. Multiplie par trois pour avoir les prix de Paris. Tu peux vivre de rien, c'est d'ailleurs ce que font la plupart des "artistes" qui migrent ici. Merci au reste de l'Allemagne (désormais pays le plus riche du monde) de permettre la possibilité de cette île.
C'est tout ? Bah non. Tout est chargé d'histoire ici. Et d'espoirs déçus. La cicatrice est profonde et toujours visible (2 rangées de pavés, des plaques de fonte, du nord au sud est). Double guerre, une chaude et une froide, ça marque. Du coup la ville a le cul entre deux chaises, passé ou futur ? Passée au futur. L'architecture témoigne partout de cette ambivalence. Églises, immeubles, musées, cimetières (c'est pareil), gares, berges, bunkerhaus, kulturhaus, verre, brique, béton, métal. Les travaux sont infinis. Le territoire est tellement immense que les chantiers se multiplient à la même cadence depuis 1989. Mouvement perpétuel, dans la structure et dans la mentalité de la ville, le berlinian dream en somme. J'imagine même pas la gueule que ça aurait si leur retard de 30 ans n'existait pas. Futurism-city.
Et la frontière Est-Ouest, toujours d'actualité ? Va faire un tour à Treptow pour te faire une idée. Le vert prend d'ailleurs largement le pas sur le gris. Le nombre de parcs, d'espaces verts, de "prés" (zones vides d'herbe) est incalculable. Microclimats et microcalmes aux quatre points cardinaux de l'espace pour permettre une respiration parfaite au berliner. Pankow-Prenzlau. Alles ist gut. Tout ça combiné au bio partout a donné une nouvelle génération de branchés : le greenster. Le hipster se retranche donc à Mitte, là où le gaz d'échappement se fait plus présent. Ça donne parfois envie de craquer une allumette. Vous n'en avez pas marre de tous vous ressembler et de tous vous rassembler ? Il en faut pas plus pour réveiller un fuhrer. D'ailleurs, son tombeau est bien camouflé du côté de wilhemstrasse au vieux Adolf. Il y a des choses avec quoi on ne rigole pas.
Friedrischain-Kreuzberg-Neukoln, c'est là que tout le monde se met bien. Un doner, un cyber, une friperie, une galerie, une curry. Formule répétée à l'infini. En attendant, personne te fait chier. Tu fais chier personne. Les Berlinois ont tellement peur de voir le passé resurgir que le conflit et l'agressivité sont inexistants, à part un coup de klaxon de temps en temps. Hippiecity ? Peut-être. En tous cas, le crime se cache bien, si on en suit les statistiques de la soldiner strasse. La nuit n'existe pas. Tout le monde roule sans lumière. Les clubs ne ferment pas. Les clubs ouvrent tout le temps, y'en a un dans chaque rue. Nightlife overdose! Et c'est la même chose pour les bars, les restos. Tout est conçu pour que tu ne rentres jamais chez toi. Mais le foyer est la où l'amour se trouve. Et la télé aussi, pour faire le vide de toute cette culture présente partout. Même pas, la télé aussi est culturelle, merde. C'est pas grave, c'est tellement grand ici que tu peux tout éviter en zonant un peu, les gens, les commerces, les voitures, la vie sociale quoi. Puis le froid finit toujours par remontrer le bout de son nez bleu. C'est l'automne et c'est ce qu'on préfère quand on vient à Berlin.
---Rod Glacial.
25 ans. Fanzineur, blogueur, branleur, depuis 2002.
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