Il y a de nombreuses raisons qui me font apprécier Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia (marque américaine de vêtements outdoor techniques). La principale est que cet aventurier, passionné de sports de plein air, a su mettre son entreprise au service de sa vision et de ses clients, en tirant parti de son développement économique pour affirmer et appuyer ses engagements citoyens et écologiques. Le résultat est une entreprise prospère qui reste pionnière à bien des égards, plusieurs décennies après sa création.
Au départ, rien ne destinait Yvon Chouinard à être à la tête d’une entreprise qui représente aujourd’hui plus d’un millier de personnes à travers le monde et connait une croissance durable. Grimpeur, surfeur et sportif chevronné, Yvon Chouinard débute sa vie “d’entrepreneur malgré lui” en 1957, à 19 ans. Il s’occupe alors à forger des pitons d’escale destinés à son propre usage et à celui de ses amis. Il fait parti d’un petit groupe de grimpeurs et de surfeurs qui prônent un art de vivre minimaliste et itinérant. Son enclume le suit au pied des falaises ou sur les plages, là où sa passion le mène.
Ses pitons – plus solides et plus fonctionnels que ceux proposés sur le marché – rencontrent un vif succès auprès de la communauté des grimpeurs. Il embauche alors ses compagnons d’escalade pour maintenir la cadence de production et développe avec eux d’autre matériel de grimpe avec un seul crédo : la simplicité, l’efficacité et la longévité. Le succès se poursuit.
Un jour, après une session d’escalade, il a l’idée de son premier vêtement adapté à une pratique sportive (à l’époque, les sportifs se contentaient d’un simple pantalon de toile et d’une chemisette
Seulement, au fil des ans, les sports de plein air sont de plus en plus pratiqués et l’impact néfaste sur l’environnement est bien réel. Désormais Yvon ramène de ses voyages non seulement des récits d’aventure mais aussi des témoignages de nature et d’être humains en souffrance. Pour lui, tout devient clair, la raison d’être de Patagonia et Chouinard Equipement sera de “fabriquer les meilleurs produits en causant le moindre impact environnemental, utiliser le monde des affaires pour inspirer et mettre en place des solutions à la crise environnementale”.
Et il s’en donne concrètement les moyens : depuis 1985 il s’impose une taxe annuelle de 1% de son chiffre d’affaires ou 10% de ses bénéfices avant impôts, selon le montant le plus élevé (près de 25 millions de dollars cumulés en 2004, sans compter les donations en nature). La totalité de cet impôt est reversé à des communautés locales et des associations militantes. Il va jusqu’à créer en 2001 le club “1% pour la planète” qui réunit des entreprises qui s’engagent à verser au moins 1% de leur chiffre d’affaires aux associations qui militent pour la défense de l’environnement.
Tout sa vie, il tâtonnera et expérimentera pour concilier développement économique et responsabilité d’entreprise. Sa recette ?
- rester intransigeant sur ce en quoi l’on croit,
- être à l’écoute du monde en passant plusieurs semaines par an à l’extérieur de l’entreprise à tester ses produits sur tous les continents,
- faire les meilleurs produits du monde pour soi, ses amis et ses clients les plus fidèles,
- embaucher des passionnés plutôt que des diplômés,
- soigner le bien-être de ses salariés (il fut l’un des premiers à ouvrir une crèche d’entreprise et à proposer à ses collaborateurs une gestion autonome de leur temps, ainsi qu’à instaurer des “classes philosophiques” pour travailler en groupe sur les valeurs de l’entreprise),
- toujours se remettre en cause, innover et expérimenter de nouvelles solutions sans avoir peur de revenir en arrière,
- prendre des décisions en imaginant léguer son entreprise aux futures générations,
Inutile de vous dire qu’au niveau communication, il est précurseur et engagé aussi
C’est cela pour moi “habiter son entreprise”, être un chef de tribu, fédérateur et inspirant pour ses salariés, ses partenaires et ses clients. Grâce à ses engagements, Yvon Chouinard est à 75 ans, un véritable modèle d’entrepreneur responsable, qui inspire encore aujourd’hui de grandes sociétés telles que Nature et Découvertes et The Body Shop.
Si vous voulez en savoir plus sur son histoire, sa philosophie et ses enseignements d’entrepreneur, je vous conseille son très bon livre Let my people go surfing (aussi disponible en français sous le titre “Homme d’affaires malgré moi”).
Je vous laisse avec une de ses citations “On peut réaliser des choses positives et gagner de l’argent sans pour autant perdre son âme.”
Ça fait du bien une entreprise qui s’engage ! Vous ne trouvez pas ?