Le parti islamiste tunisien Ennahdha tenait son congrès de début de campagne pour l’élection de l’assemblée constituante ce mercredi 14 septembre devant un parterre d’invités triés sur le volet. Casques de traduction, personnel aux petits soins auprès des journalistes étrangers. Tout est fait pour redorer l’image du parti à un mois du vote des Tunisiens.
Au programme, présentation des grands axes de la politique souhaitée par Ennahdha, entre Islamisme économique à la Turque et tradition. Où se mêlent emprunt, Union des pays arabes et diminution du temps de travail hebdomadaire pour les femmes qui pourraient ainsi « se consacrer à leur famille. » J'en connais une à qui ça va plaire.
L’islam comme fil rouge
Le rendez-vous a été ouvert par le chant de versets du Coran et chaque intervenant commençait son discours par « au nom de Dieu clément et miséricordieux, » ce qui n’améliorera pas l’image du parti dans un Tunis qui vit à l’européenne. C’est plutôt dans les villages qu’Ennahdha pourrait remporter des sièges pour l’assemblée constituante et le parti islamiste l’a bien compris. L’accent est donc mis sur la pêche et le maraichage dans le programme mais aussi sur la revalorisation des bas revenus et les aides aux familles pauvres.
Outre la présentation des grandes lignes de son programme le groupe voulait aussi mettre l’accent sur une image moderne, y compris chez les militants : « Les islamistes ont toujours été mal compris. On ne veut de l’Islam que des choses objectives : la paix, la science. La religion, c’est entre une personne et Dieu, » nous confiant le Professeur en médecine Momdher Ounissi. Le discours est policé, impossible, par exemple, de savoir d’où provient l’argent investit dans cette campagne ni le modèle de société espéré par le parti islamiste.
Plusieurs mandats
Rached Ghannouchi a aussi bien appris les leçons de la révolution et plaide en faveur d’ « une société participative, une économie de marché portée par un contrat social nouveau. » Un projet sur le long terme puisqu’il a plusieurs fois été question de « dépasser les deux mandats présidentiels. »
Dans les rues de Tunis, le discours passe mal, surtout auprès de la jeunesse : « Si je veux inviter une amie dans l’appartement que je partage avec mes colocataires, il est impossible qu’elle reste dormir. Tout le voisinage en parlerait, elle aurait des problèmes, » nous confiait même un très jeune militant qui voit pourtant son avenir dans l’islamisme : « C’est une société plus juste. Certains parlent d’ordre, de contraintes, mais nous cherchons juste la dignité. »
Justice, pouvoir, peuple, Maghreb
Surfant sur les thèmes à la mode : indépendance de la justice, interaction entre pouvoir et peuple et surtout emploi, la création de 590 000 postes est évoquée, Ennahdha veut imposer l’Union du Maghreb Arabe (UMA) dans le paysage face à La vielle Union pour la méditerranée (UPM) pour échanger avec l’Europe. En terme économique, même voie, un « marché Maghrébin avec nos frères Libyens et Egyptiens » et avec un investissement qui participerait à la « croissance du PIB ».
Sur le quotidien, par contre, personne ne s’est exprimé sur le port du voile, la polygamie (la Tunisie étant le seul pays de la zone où les hommes n’ont le droit de se marier qu’avec une seule femme), Rached Ghannouchi est juste intervenu sur la baisse du nombre de divorces, conséquence de la baisse du temps de travail hebdomadaire de la femme.
Enfin, lorsqu’on l’interroge sur les rapports qu’il envisage entre la Tunisie et l’Europe si Ennahdha venait à prendre le pouvoir, le leader islamiste évite tout engagement et parle « de respecter les traités, s’engager dans la durée… » Rien de nouveau, donc, si ce n’est un virage à 180 degrés en terme de communication à un mois du vote pour l’élection de l’assemblée constituante.
Illustration de _Z_ dont je vous conseille vivement d'aller visiter son blog.
Sujett initialement publié le 15 septembre dans Le Temps, journal Suisse