Depuis son premier recueil publié en 1978, Gabriel Le Gal conduit une œuvre poétique d’une grande justesse. Ses textes sont des états de grâce, de précieux équilibres, aussi simples que magiques. Son dernier recueil, Pas la peine d’aller au Japon - dont sont extraits les quelques poèmes ici reproduits - vient de paraître à la Librairie-galerie Racine.
Signalons un dossier consacré à Gabriel Le Gal sur le site d’Orage-Lagune-Express, comprenant notamment une étude de Nicole Vidal-Chich.
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Elle n'était
Que lèvres de couleur au centre
Du petit visage ovale
Lèvres de braise
Ou de géranium odorant
Dans octobre clair
Que lèvres de rouge frémissant
Que serait le moment venu
La couleur de sa voix ?
*
Les nuages glissant vers l’Est s’amincissent
Nous laissant à découvert
Le temps nous ronge
A petits feux
A petits bruits
Aussi ténu que dents de rat
On se figure être le même
On se croit toujours le jeune homme qu’on fut
Et pour un peu on dormirait
Au bruit du discret du temps
Comme le meunier au bruit de l’eau de son moulin
*
Bien qu’il ait sous le vent et le froid
Resserré ses eaux
Le fleuve emportait par la ville
Vert et bleu le ciel
Qui s’y était glissé
*
L'employé de la mairie
qui fait le tour des pelouses
pour remettre face à l'étang
les chaises de plastique
en rangs bien alignés
ne déplacera pas celle
où repose
le jeune fardeau d'une femme
dont la chair et les yeux
à demi sommeillant
prennent et filtrent
un soleil encore favorable
il passera son chemin
et s'il a quelque regret ce n'est pas
de ce rang qui boite un peu c'est
de ce fardeau de tendresse
qu'il n'a pas osé soulever
in Pas la peine d’aller au Japon
Librairie-galerie Racine, 23 rue Racine, 75006 Paris.12 euros.