Maître Eckhart dit :
j'aimerais mieux l'homme qui accepterait par amour de recevoir une aumône de pain par Dieu, plutôt que celui qui de par Dieu donnerait cent marcs. Comment puis-je prouver cela ? Je le fais ainsi : les maîtres disent en général que l'honneur nous est bien plus cher que les biens éphémères. Donc celui qui donne cent marcs par Dieu gagne plus de louange et d'honneur que n'en valent cent marcs. Car en tendant la main pour offrir ce don, il attira à lui plus et mieux que ce qu'il avait donné : c'est-à-dire louange et honneur. Mais pendant que le pauvre tendait la main pour prendre le pain, il offrait tout son honneur ; ainsi celui qui donne a acheté de l'honneur et celui qui reçoit en a vendu.
Autre chose à ce propos :
en recevant, le pauvre s'est approché davantage de Dieu que n'a fait celui qui a donné les cent marcs de par Dieu : car celui qui donne réjouit et honore sa nature, tandis que celui qui reçoit opprime et méprise la sienne. Celui qui donne est très demandé à cause de ses dons, mais on rejette le pauvre et on le méprise à cause de ce qu'il reçoit.
Maître Eckhart (1260-1327).
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