A las cinco de la manana…
J-5 avant les 5 ans du Blog
Le Sénat bêle, la démocratie passe
Si je devais analyser ce soir le basculement du Sénat à Gauche, je réécrirais le billet intitulé "Paso Doble n°61 – le Domino constitutionnel", daté du 20 mars 2008. Vous y trouveriez l'énonciation de la loi de Toréador sur la nature politique. Je persiste, je signe, je brevette.
Néanmoins, je me dois de compléter par une analyse conjoncturelle de ce basculement, quelques mois avant l'élection présidentielle. Les commentateurs s'interrogent sur sa portée - pour moi, au-delà du symbole démocratique, il n'est pas certain que ce soit uniquement un cadeau bénéfique pour la Gauche, ni seulement un camouflet pour la Droite. En plaisantant, je pourrais dire que deux anachronismes sont morts au même moment : la corrida à Barcelone et un Sénat structurellement conservateur…. et que l'une au minimum de ces deux avancées n'est pas forcément un progrès.
Sénat : l'arme à gauche
Premièrement, pour la Gauche, c'est en apparence une divine surprise. L'avantage est que la Français sont cartésiens et qu'ils n'aimeront guère instaurer dès le début du mandat présidentiel prochain un pouvoir partagé. De la même manière que la présidentielle colore les législatives qui suivent – un vote de cohérence – un Sénat qui bascule à Gauche donne normalement un petit avantage à la thèse de l'alternance politique.
Reste que cela peut être un cadeau empoisonné : le Sénat de Gauche reste le Sénat, cette assemblée franc-maçonnique et poussiéreuse, dont aucun grand ténor du PS n'est issu. Un club dominé par des coalitions centristes, où la nouvelle majorité tiendra à une voix près. Si le Sénat devient une pétaudière et/ou que le clash avec Sarkozy devient trop violent, l'effet sera contre-productif pour l'image du PS. Regardez ce qui est arrivé au parti qui gagnait les mid-terms aux Etats-Unis : triomphant un jour, écrasé deux ans plus tard. Et je ne vous raconte pas le problème qui se posera la Gauche si la dégradation de la note AAA de la France oblige subitement le gouvernement à proposer un plan de rigueur draconien, comme en Grèce ou en Italie… et qu'elle soit obligée de le voter ou d'en assumer la paternité.
Autre problème à prévoir, même en cas de victoire de la Gauche en 2012 : l'hypothèse d'un Sénat qui, sous la conduite de Jean-Pierre Bel, s'émanciperait avant l'arrivée d'un président "de Gauche" de la tutelle de l'exécutif en traçant son propre sillon.
Sénat : Larmes à Droite
Pour la Droite, c'est une belle sanction : une sanction à retardement pour Sarkozy, un châtiment bien mérité pour les dissidences, un camouflet pour le parti (cf. l'élection de dissidents notoires comme Charon). La Droite a réussi à perdre l'imperdable, une omni-défaite qui renvoie à l'omni-président tout puissant du début du quinquennat. Comment expliquer ceci ?
J'ai relu le premier billet que j'écrivais sur ce blog, il y a quasiment 5 ans : Sarkozy était dès le départ un candidat hétérodoxe car il ne respectait pas les canons psychologiques Français. Notamment, il ne représentait pas "la France des terroirs". Je n'avais pas anticipé justement que la France l'élirait, à rebours de toute notre culture, par volonté de rupture. Cette victoire s'est cependant très rapidement soldée par un désaveu du peuple car "il ne nous ressemble pas".
Cette défaite au Sénat, c'est la revanche prise sur Sarkozy par rapport à la 3ème loi psychologique. En même temps, elle pourrait servir d'électro-choc pour la Droite en la forçant à reconsidérer sa base. A moins qu'elle ne convainque les grands barons que Sarkozy ne doit pas être leur candidat.
Ce qui est certain – et je reviens à mon analyse du Paso Doble de 2008 – c'est que nous n'avons pas intérêt à ce que Nicolas Sarkozy soit brusquement incapacité : nous aurions alors une situation inédite, avec un Président de Gauche, un Sénat de gauche et une majorité électorale de droite. Nous n'avons pas fini de payer les pots cassés du quinquennat - Vive la Cohabitation permanente !
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