Emmanuelle Millet vient du docu et de l’humanitaire, et cela se sent. En signant La Brindille, son premier long-métrage, elle ne parvient jamais à se défaire de ce regard-là, humaniste dans son objectivité certes, mais terriblement froid. Ainsi, sa Sarah, 20 ans, en plein déni de grossesse, et qu’elle suit mécaniquement dans les rues de Marseille, ne prend vie à l’écran que lors de brefs instantanés (et ce malgré la belle partition toute en retenue de la jeune Christa Théret). Le reste du temps, la caméra, même si elle a le mérite de ne jamais se faire juge, ne prend pas vraiment parti. On ne trouvera rien dans La Brindille, qui explique, qui justifie, qui donne à débattre : simplement le fait brut, dénudé de prise de position, la peinture d’un fait de société (l’accouchement sous X notamment) dans ce qu’elle a de plus terne. En outre, l'intrigue, déjà très resserrée (à peine 1H20), ne se bâtit qu'autour de parenthèses qui font figure de remplissage (Sarah rencontre un mec à la bibliothèque, Sarah passe un concours), et de tentatives avortées ( !) d’arrière-fond explicatif (Sarah appelle sa mère qui ne l’écoute pas).
Du (des?) père, du passé, des pensées de Sarah, on ne saura rien, Emmanuelle Millet laissant planer le(s) silence(s). C’est à la fois la force et la faiblesse d’un film bancal, très télévisuel dans son traitement (on est jamais très loin du pédagogisme d’un prime time de France 2), qui s’il laisse une large place possible à la réflexion, ne pousse pas non plus très loin ses enjeux (dramatiques, sociaux, politiques). Oui, la cinéaste y esquisse des choses intéressantes (tout particulièrement ce malaise latent- commun aux femmes et au personnel hospitalier- concernant le déni de maternité), oui, elle offre à voir une société française sclérosée, et parvient à se confronter de plein fouet à deux concepts difficiles : la solitude et l’intériorisation des douleurs. Pourtant, jusqu’à l’accouchement (séquence ultra réussie comme dans Un Heureux évènement, autre film à venir sur une maternité problématique), l’ensemble demeure étrangement figé, à l’instar d’une héroïne insaisissable, évanescente, brindille-titre, finalement et à regret, anti-cinématographique.