Un chapitre sur deux reprend les lettres que le journaliste adresse à la mère de Marie-Anne Erize, la disparue. On découvre ainsi les doutes de l’enquêteur, l’obsession, la persévérance qui l'amènent à reprendre la vie de la jeune fille, de son enfance, sa jeunesse puis son engagement politique de plus en plus radical.
Pour ce qui est de cette existence, c’est la force de ce genre de témoignage historique que de dérouler les événements politiques et sociaux du point de vue d’un individu, c’est passionnant de comprendre ce que sont la révolte d’une jeunesse, ses rêves et ses questionnements sur l’engagement, on comprend de cette manière toute la complexité que peut revêtir l’histoire d’un pays.
Qui plus est, cet individu, Marie-Anne, a un caractère exceptionnel, elle a fréquenté les milieux people ; puis, elle veut affronter ses doutes et le tournant sera plutôt radical. Ainsi, parmi les 30 000 desaparecidos victimes de la guerre sale que connut l’Argentine de la fin des années 70 au début des années 80, le livre de Philippe Broussard nous en fait connaître une. Découvrir l’histoire d’un pays au travers d’une histoire personnelle la rend aussi réelle car on imagine aisément les questions existentielles d’une jeune fille, l’inquiétude d’une famille, les influences d’un ami ou d’un amant, l’atrocité d’une disparition…
Pour ce qui est du récit de l’enquête, l’on craint que les doutes constants du journaliste, la relation très inexplicable - il entretient une sorte d’obsession pour cette fille qu’il n’a jamais rencontrée - n’alourdissent quelque peu le récit. Si « La disparue de San Juan » reste un rappel essentiel d’une histoire que l’on évoque si peu souvent en France, il lui manque peut-être une dimension dramatique. Seule une personne dégagée extérieure aurait pu dessiner cela ; à ce stade-là, Philippe Broussard est sans doute, déjà, trop partie prenante d’une enquête non résolue.
"La disaprue de San Juan", Philippe Broussard, Stock Les documents