« On peut disparaitre du jour au lendemain »
A l’occasion de la sortie de son album intitulé Vincent Liben, Delphine Ghosarossian a rencontré Vincent Liben pour lui poser quelques questions et faire quelques portraits.
Pourquoi et comment s’est fait le cheminement du groupe rock Mud Flow chantant en anglais à une chanson française romantique ?
Vincent Liben : Je crois qu’après plusieurs années à faire ça, je ne me sentais plus à ma place. Je me rappelle très bien, j’étais en plein concert d’un grand festival et pendant que je chantais, je rêvassais en chantant (rires). Pour te dire tellement c’était devenu automatique, et je me suis dit « qu’est-ce que je fais là ? C’est plus possible ». Je me suis dit « je chante en anglais, je suis devant des francophones… » J’avais un problème d’authenticité, de sincérité. Ca m’est venu petit à petit, mais à un moment ce n’était plus possible.
Et puis il y avait le fait d’être en groupe de devoir toujours céder sur certaines choses qui me semblaient essentielles, faire des concessions tout le temps. Quand tu fais un truc, que t’essaies d’être artiste, de te rapprocher un tout petit peu d’un truc artistique, ça devient insupportable. Parce que tu te dis « Bon je fais un truc, et finalement cela n’est que 80%, voire 60% de moi-même. Si on est cinq peut-être même 20% ou 40 parce que j’étais leader. Et tout le reste, ce n’est pas moi, je ne suis pas forcément d’accord avec ces choix. Et je dois le défendre après. » Alors ça c’était le plus dur. Tu dois défendre des trucs pour lequel tu ne crois pas une seconde.
Déjà que tu ne crois plus de chanter en anglais, tu ne crois plus au rock, tu ne crois pas à ce que tu as à faire. A un moment tu te dis « il faut arrêter ». En plus j’étais prisonnier du format rock. On attendait de nous qu’on fasse ça. Moi, j’avais forcément envie d’essayer autre chose et c’était pas possible. Je me suis dit « je vais faire ce que j’ai envie, totalement. Si je me prends des trucs dans la gueule et bien je l’aurais mérité ».
Quand tu assumes un truc artistiquement complètement, les critiques peuvent te servir à réfléchir, mais pas « merde j’aurais pas du ».
Comment vis-tu le succès de Mademoiselle Liberté en France ? Qu’est-ce que cela a changé pour toi ?
Je n’ai pas l’impression que c’est un succès. Je suis très content parce qu’elle passe bien en radio, je ne m’attendais pas du tout à ça. Je ne réalisais pas vraiment…
Et cela n’a pas changé quoique ce soit dans ta vie ?
Pour l’instant non. Pour l’instant j’ai un peu plus d’espoir que d’habitude sur la longévité de cet album. Je me dis que là, ce n’est pas trop mal parti, ce qui est plutôt une bonne chose. Mais on verra, cela tient tellement à rien. On peut disparaître du jour au lendemain. On en a vu plein, même récemment, qui ont fait un titre qui a super bien marché et puis après ça n’intéresse plus personne.
Je crois aussi que d’avoir été dans les circuits alternatifs pendant des années, faire du rock un peu underground ça te permet de garder les pieds sur terre et de pas t’emballer à la moindre chose. Ce qui n’est pas plus mal. Tu restes sur ce que tu as à faire plutôt que d’être aveuglé par les lumières.
Peux-tu nous présenter ton nouvel album, est-il dans la continuité de Tout Doit Disparaître?
C’est un peu dans la continuité, car je reprends cinq titres de cet album puisqu’il était passé totalement inaperçu. Je les ai réarrangés, réenregistrés. Et puis j’en ai écris six autres.
C’est vraiment la version définitive de l’album. On va dire que Tout Doit Disparaître était un premier essai, mais qui m’a permis de trouver une signature. Donc, ça valait le coup quand même. En plus une belle signature, avec un label super.
Après, le présenter, c’est un peu difficile, je suis désolé, la question est un petit peu large…
Y a t-il d’autres duos ?
Non, uniquement celui avec Berry. Par contre sur pas mal de chansons il y a une voix féminine qui m’accompagne dans les refrains, qui double ma voix. Pour colorer, je trouve ça joli, c’est très 60s.
Quels sont les thèmes qui te tiennent à cœur ?
Il y a plein de thèmes… le temps qui passe, la fin de l’existence. Donc le temps qui passe qui amène à la fin de l’existence, les ruptures, les saisons. Je crois que le thème principal chez moi c’est vraiment ça, le temps qui passe.
Donc l’album est pas mal mélancolique. C’est un peu une vie rêvée que je raconte. La vie que j’aimerais avoir. Ce qui est typique en général de la mélancolie, de la nostalgie, car on croit que c’était mieux avant. Mais c’est parce qu’on s’imagine, on prend les meilleurs moments et on se fait un film. C’est un peu ça, je crois que dans cet album il y a la vie que j’aurais aimé avoir.
Ce qui prouve bien que je ne suis pas forcément intéressé par le succès, parce que je ne parle pas du tout de ça.