Quatrième de couv’ : États-Unis, de nos jours. T-Bird Murphy, la quarantaine, fils d’immigrés irlandais, se terre dans un box de parking. On le soupçonne d’un crime qu’il n’a peut-être pas commis.
Incarnation du quart-monde occidental, T-Bird écrit sa rage. Un long monologue intérieur, animé par les figures de son passé, qui vient tromper sa solitude et mettre des mots sur la violence de l’exclusion.
T-Bird a grandi dans le ghetto noir et mexicain d’Oakland, une ville industrielle qui rejette les Noirs, les Chicanos et les Blancs pauvres vers les décharges, sur les bords pollués de la baie de San Francisco.
Pour faire mentir le destin, il a sacrifié à la sainte trinité : études, mariage et consommation. Il a fait tous les petits boulots, vécu dans les pires conditions. Mais on n’a jamais voulu voir en lui que l’enfant de ses origines, fauteur de troubles en puissance.
Renvoyé à sa misère et du fond du chaos qui l’a englouti, il revendique la déchéance comme nouvelle Eric Miles Williamson est natif d’Oakland, la ville de Jack London qui fut,
comme lui, ouvrier de chantier. Aujourd’hui critique littéraire et professeur de
littérature à l’université, il est auteur de romans noirs remarqués, dont
Noir béton (Fayard, 2008). Il dénonce le rêve américain avec une poésie mêlée
de rage qui n’est pas sans rappeler Céline, Henry Miller et Cormac McCarthy.de liberté, et la solidarité comme espérance de dignité.
Sur l’auteur : Eric Miles Williamson est natif d’Oakland, la ville de Jack London qui fut,
comme lui, ouvrier de chantier. Aujourd’hui critique littéraire et professeur de
littérature à l’université, il est auteur de romans noirs remarqués, dont
Noir béton (Fayard, 2008). Il dénonce le rêve américain avec une poésie mêlée
de rage qui n’est pas sans rappeler Céline, Henry Miller et Cormac McCarthy.
T Bird Murphy (narrateur du roman) est un témoin privilégié de la lutte des classes. Diplômé mais issu du ghetto d’Oakland, il attend toujours qu’une main se tende, le nez dans les ordures des riches. Il est condamné à ramer et à l’errance, jusqu’à l’aliénation. Bienvenue à Oakland (Welcome to Oakland) est éprouvant sur la durée mais recelle quelques pages d’une beauté sinistre. Cette plongée dans la vie de galériens et d’exlus du système pointe du doigt une machine mal huilée, inégalitaire, une faillite des institutions.
Désolée, pauvre, abandonnée, T Bird est pourtant sensible au charme d’Oakland. Il pense que « notre beauté dans mon quartier, notre beauté ressemble à ça : le monde, connard, est ce qu’on en voit. Et quand on y voit presque plus, ce qu’on perçoit est plus clair, plus vrai. » (p.101) Et plus loin, « si la merde qu’on voit, les étrangers considèrent qu’elle est laide, c’est parce qu’ils sont habitués à la merde que, eux, ils trouvent belle et qu’ils ne perçoivent pas combien leur monde peut nous paraître imonde à nous, la laideur de leur petit personnel et de leurs bagnoles européennes ou japonaises hautement antiseptiques qu’aucune tache de sperme ni de honte ne corrompt jamais, la laideur de leurs briques si parfaitement alignées, de leur carrelage récuré, de leurs jardiniers, de leurs plombiers, tous ces gens qui travaillent pour eux – nous. » (p.102)
Dans un cocktail (très concentré) de sexe, de violence crue et de résidus, Eric Miles Williamson scrute et déballe ce qui est habituellement enfoui et banni. Et qui survit, impérativement.
Cette virée à Oakland n’est pas recommandée aux amateurs de la prose raffinée Marcel Proust… même si le livre d’Eric Miles Williamson peut faire figure, à sa manière, d’A la recherche du temps perdu chez les prolos ! La langue de Williamson ferait presque passer Boris Vian ou Jack Kerouac (Gaspar Noé pour les cinéphiles) pour des enfants de coeur. Est-ce une bonne chose ? Cela dépend à 100% du lecteur, de ses limites… et de la volonté de les dépasser ! Malgré ses qualités, Bienvenue à Oakland est plus long à boucler que Le Démon d’Hubert Selby Jr. ou qu’une nouvelle de Bukowski. Mais il m’a donné une putain d’envie de découvrir Henry Miller, bordel.
Bienvenue à Oakland d’Eric Miles Williamson
Editions Fayard, 2011
415 pages (22 euros)