Lettre sans correspondance 3

Publié le 24 septembre 2011 par Xavierlaine081

 

Alors que mes pas me mènent, de ci, delà, traversant ma ville en tous sens dans la quête permanente de ce travail qui me prend et jamais ne me lâche, les questions fusent en mon cerveau au rythme de mon pas. Bien souvent les doutes, bien souvent le rejet de ce pessimisme de la raison qui toujours m’assaille quand pourrait venir sur le dessus l’optimisme de mes rêves. 

C’était bien avant que ne commence le bal. Mes yeux croisaient d’autres yeux, mon corps d’autres corps plus ou moins voûtés, plus ou moins vieux, plus ou moins jeunes. Mes yeux tentaient de lire au travers, de deviner si tel ou tel pourrait être du public. Et toujours tournait dans ma tête la question : mais qui est le public des correspondances ? 

Et puis voilà que me parvient la photographie funeste, prise dès le premier soir, sur la Place de l’Hôtel de Ville et que mes pupilles ne distinguent que têtes chenues. 

Alors, ne voulant me fier à cette triste impression, je profitais, hier de mes quelques minutes de folle liberté pour errer, glaner, poser mes paupières ouvertes sur les places traversées où se trame le discours littéraire et je ne vis que gris et blancs dans les cheveux qui écoutaient, sauf… 

Sauf sur l’esplanade de la poste où se tenait l’association Eclat de Lire : là les écoles menaient en rangs serrés leurs élèves, mais déjà ils n’étaient plus vraiment dans la ville, et déjà on ne leur ouvrait pas la porte à la rencontre avec l’écrivain, pour de vrai, pas pour faire semblant, et de nouveau me venaient mes retorses interrogations : n’y aurait-il de littérature qu’avec école, et, ensuite, que téléréalités, jeux vidéos, publicités tapageuses pour occuper têtes en construction d’avenir ? 

D’un côté un vieux monde, de l’autre le jeune, mais enrégimenté, et entre les deux le néant. 

J’aurais rêvé aller écouter Kamel Daoud[1] parler de son Minautore parce que j’ai bien aimé l’humour caustique de ses nouvelles en formes de soufflets sur les joues droite et gauche des responsables de son pays. 

J’aurais aimé aussi écouter David Thomas[2] , même si j’ai eu du mal à entrer dans son ouvrage, et que lui aussi parle d’un monde que tant ne peuvent qu’ignorer quand la misère les prend, les enlace, les noue au pilori d’une vie qui se contente de survivre. Lui, David, il cherche un frère qui a fuit ce monde. Un frère qu’il ne retrouvera pas. Savoir même s’il se retrouvera un jour lui-même, tant la vie lui échappe toujours… 

Pour donner le change les éditeurs invités étaient Sabine Wespieser, et La machine à cailloux, juste pour me faire mentir, un peu, un tout petit peu, car la part belle était quand même donnée au même groupe Albin Michel, et, pour ne pas être en reste, venaient ensuite le groupe Hachette Livre – Lagardère (oui, oui, le copain du copain du Fouquet’s, par ailleurs grand diffuseur d’armes, non littéraires celles-là), au travers des éditions Stock, et puis, bien sûr, l’incontournable groupe Gallimard (mais je n’avais pas eu le loisir d’acheter et donc lire les ouvrages présentés). 

L’heure est au troisième jour. Mais nous verrons qu’au fond, même si les auteurs changent, comme le temps, les groupes éditoriaux, eux, sont un peu toujours les mêmes, sans grandes surprises. 

Xavier Lainé

Manosque, 23 septembre 2011 


[1] Kamel Daoud, Le minotaure 504, Sabine Wespieser éditeur

[2] David Thomas, Un silence de clairière, éditions Albin Michel