L’ONG-bashing est un peu comme l’antiaméricanisme, dans sa dimension primaire, il est plus con que la lune ! Je passe ma journée à entendre ce genre de propos où tout est de la faute des ONG. On met en boucle la ‘république des ONG’ de Paul Farmer et comme une affirmation a tendance à augmenter en crédibilité en fonction de l’augmentation du nombre de ses répétitions, on dit vrai parce que tout le monde avant l’a dit. Les ONG sont donc responsables d’une bonne partie des malheurs haïtiens, le président, le PM, des ministres, des directeurs généraux, des journalistes, la population générale, … tout le monde l’a dit. Même les ONG sont dans le mode ‘toutes des salopes sauf ma mère !’ Cette semaine, l’épiderme foncé de plusieurs de mes collègues haïtiens n’a pas pu passer au rouge (pour rouge de rage) quand j’ai osé questionner la responsabilité de l’État Haïtien dans ce foutoir que ONGiste. Parce que foutoir, il y a ! Des ONG vont là où il veulent pour faire ce qu’elles veulent, elles quittent sans avertir, elles affaiblissent la fonction publique en débauchant ses meilleures ressources, elles se font une compétition sur le dos du bon peuple, … La place à la critique est effectivement relativement grande. J’ai donc cherché à faire réfléchir mes amis sur les caractéristiques des répondants auxquels sont confrontés ces ONG inconscientes ou mal intentionnées. En fait, dans plusieurs cas, les ONG ne font face à personne, ou encore à des gens qui disent oui à tout et à son contraire. Je ne parle pas des semaines qui ont suivi le tremblement de terre où le gouvernement ne répondait presque même plus. On a vu récemment deux organisations se voir octroyer le mandat par un ministre de faire exactement la même chose !! Elles auront pris près de deux mois à comprendre que leurs actions se dupliquaient. J’entendais un responsable d’une de ses ONG me dire récemment qu’il rêve qu’on l’oriente, que l’État Haïtien définisse ses priorités, qu’on lui dise comment elle pourrait mieux répondre à un besoin, à un vrai besoin. Mais la nature ayant horreur du vide, les ONG comblent l’espace laissé libre en fonction de leur propre lecture des besoins, et surtout, de l’expertise qu’elles peuvent déployer. Il ne faut pas oublier non plus qu’elles ont des millions à dépenser, pas le temps d’attendre qu’un gouvernement dresse à nouveau le menu. L’idée ici n’est pas de dédouaner les ONG pour le capharnaüm dans lequel tout le monde est coincé, bien au contraire, mais c’est de rappeler que le tango, divinement ou maladroitement exécuté, se danse à deux.