Voici une magnifique tribune d’Ariane Mnouchkine qui s’engage en faveur de Ségolène Royal :
On ne défend pas son champion ou son équipe parce qu’ils sont sûrs de remporter la victoire, mais parce qu’ils en sont dignes. Je défends Ségolène Royal parce qu’elle est digne de gouverner. Je défends Ségolène Royal parce que j’admire son courage.
Je défends Ségolène Royal parce qu’elle est la seule à s’engager à mettre en oeuvre la démocratie participative et que je pense qu’au XXIe siècle il n’y aura de démocratie que participative. Ceux qui se gaussent de ce concept sont tout simplement réactionnaires. Qu’ils soient de droite ou se prétendent socialistes ne change rien à l’affaire. Ils tremblent devant le peuple tous les cinq ans mais ils le méprisent et ne veulent rien entendre de lui.
Je défends Ségolène Royal parce que, lors de tous ces inqualifiables procès en incompétence qu’on lui a intentés, c’est à ses défenseurs qu’on s’attaquait et donc à moi aussi.
En vérité, c’est tout le peuple français qui fut accusé d’incompétence. Car ce qu’on reproche à Ségolène Royal, c’est bien cela. Faire de la participation des citoyens à la gouvernance de notre pays un des fondements de la politique qu’elle entendinspirer à son gouvernement. Un gouvernement capable à la fois de se donner le temps nécessaire à une écoute respectueuse et à une pédagogie audacieuse, sans renoncer, le temps venu, au courage d’arbitrer.
C’est exactement cela qui hérisse le poil de ces professionnels de la politique. Que cette femme vienne affirmer que l’on peut, que l’on doit, maintenant, gouverner avec le peuple et pour lui. Il n’y a plus d’autres voies que la justice et l’égalité pour que les Français retrouvent le goût de vivre ensemble et que redevienne respirable notre air où règne aujourd’hui une inquiétante odeur de guerre civile.
La vraie raison de leur détestation, ils ne peuvent pas l’admettre. Voyez-vous un tel ou une telle venir nous confier :
- Vous savez pourquoi je dis, et fais dire partout et colporter par mes snipers sur Internet ou dans la presse, que Ségolène est folle, ou idiote, alors que je sais très bien qu’elle n’est ni folle ni idiote ? C’est parce qu’elle croit à l’intelligence d’un peuple bien informé. Elle croit à son inventivité. Pire, elle croit à sa sagesse, et même, à sa générosité ! Ciel ! Penser que le peuple pense ! Quelle démagogie ! Vous rendez-vous compte du danger que ses idées nous font courir ?
Tout cela est inavouable, alors on ricane, on cancane, on persifle : elle s’habille mal, ce qui parfois est vrai. Elle parle sans respirer, et veut tout dire d’une phrase avant qu’on ne l’interrompe, ce qui n’est pas faux et parfois me désole. Elle fait, dans ses discours, quelques fautes de français. Mais qui parmi les femmes et les hommes politiques, qui parmi nos « discoureurs » de télévision, bref qui, parmi tous les grands ignorants qui occupent la plupart des tribunes, peut prétendre donner des leçons de français à qui que ce soit ? Sans parler de celui pour qui ils ont voté, ou pire, qu’ils ont laissé élire, et dont le parler est une perpétuelle insulte à notre langue. Qui est Victor Hugo aujourd’hui ? Qui est Lamartine, Jaurès, Blum ? A part peut-être Arnaud Montebourg, ils parlent tous mal le français. C’est triste mais c’est comme ça. Les citoyens le savent et, hélas, s’y résignent.
Je défends Ségolène Royal parce qu’elle veut faire « de l’éducation nationale une priorité avec comme objectif de faire réussir tous les enfants dans des voies diversifiées, à égales dignités ».
Oui, je la défends parce qu’elle ose évoquer la revalorisation du travail manuel qui, souvent, peut confiner au génie. Je sais, je le rencontre tous les jours, cet irremplaçable génie manuel, sans lequel rien, absolument rien, de ce qui est conçu ne verrait concrètement le jour.
Oui, je défends Ségolène Royal parce qu’elle a l’honnêteté de préférer pour nos enfants égarés l’apprentissage de la discipline collective, fût-elle militaire, à la cellule immonde où ils sont jetés en pâture aux pires embrigadements. Intoxiqués par les pires propagandes.
Je la défends parce que, dans le contrat qu’elle propose à la nation, elle s’engage pour « un Parlement renforcé… revivifié par le non-cumul des mandats ».
Parce qu’elle a fait de sa région un des territoires écologiquement les plus avancés d’Europe, je défends Ségolène Royal parce qu’elle fut la première à s’indigner que l’on renfloue les banques sans que l’Etat, si généreux à leur égard, n’en prenne, au moins en partie, le contrôle. Parce qu’elle s’engage à remettre la finance au service de l’économie et à consulter les Français par référendum sur la réforme fiscale indispensable non seulement à notre économie mais à la justice sociale. Justice sociale sans l’avènement de laquelle nous verrons bientôt se lever des révoltes furieuses dont la légitimité n’atténuera pas la violence et ses cruelles conséquences.
Je défends Ségolène Royal parce que je la sais sincère, et je signe son contrat.
Ariane Mnouchkine, metteuse en scène
Article publié dans Le Monde
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