Nous produisons ci-dessous un article paru dans liberation. Par SERGE CAREL Ancien harki Moi, Serge Carel, ancien harki, j’ai servi l’armée française de 1957 à 1962 en Algérie, témoignant par cet engagement d’une tradition familiale très ancienne aux côtés de la France. Je m’exprime aujourd’hui ici sous mon nom français, que j’ai adopté en arrivant en France il y a bientôt un demi-siècle. Si je ne peux pas donner mon nom algérien, c’est pour protéger ma famille restée en Algérie. C’est avec mon nom français que j’ai été décoré de la Légion d’honneur en 2007. A la fin de la guerre, alors que je me trouvais dans une caserne française en Kabylie, j’ai vu mes officiers et compagnons d’armes français quitter le pays en me laissant sciemment sur place. Abandonné en Algérie, j’ai été emprisonné et torturé par ceux que j’avais combattus au nom de la France, avec des instruments de torture laissés sur place par l’armée française. J’ai réussi à fuir en France en août 1964. Je suis arrivé le visage tuméfié, les yeux et la bouche couverts de pus. Refusé par les services sociaux, j’ai dû vivre pendant plusieurs semaines dans un asile pour clochards, «le château des rentiers», dans le XIIIe arrondissement de Paris. Depuis cinquante ans, mes anciens camarades harkis et moi-même attendons un geste symbolique de l’Etat français, qui reconnaîtrait enfin sa responsabilité dans notre abandon et dans les souffrances qui s’en suivirent. Cette démarche de reconnaissance, Jacques Chirac l’avait esquissée le 25 septembre 2001 en déclarant à propos de nos tragédies de l’été 1962 : «La France, en quittant le sol algérien, n’a pas su les empêcher. Elle n’a pas su sauver ses enfants.» Pas su ou pas voulu ? Pour Pierre Vidal-Naquet, la République n’a pas voulu : «Des ordres ont été donnés pour éviter un afflux que l’économie française était pourtant en état de supporter.» Deux ans plus tard, cette date du 25 septembre était retenue comme Journée nationale d’hommage aux harkis. Mais qu’est-ce qu’un hommage sans reconnaissance officielle ? Le 31 mars 2007, recevant des harkis à son QG de campagne à Paris, le candidat Sarkozy a solennellement déclaré : «Si je suis élu, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis et d’autres milliers de musulmans français qui lui avaient fait confiance. Afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois.» Ce dimanche 25 septembre 2011 aurait été la dernière occasion pour Sarkozy de tenir sa promesse. Il ne le fera pas. Au lieu de cela, le Président s’apprête à nous offrir un lot de consolation en procédant à une énième distribution de médailles. Or, de ces médailles, nous en sommes repus ! Moi-même, décoré de la Légion d’honneur il y a quatre ans, je déclare solennellement que je remets aujourd’hui cette médaille à la disposition de la République, aussi longtemps que l’Etat français n’aura pas reconnu sa responsabilité dans la tragédie vécue par les harkis.