Ce jeune homme sur la photo, c'est le Dr Firas Khatib du département de biochimie de l'Université de Washington qui vient de diriger cette étude dans laquelle des joueurs ont pu résoudre en 3 semaines un problème de biologie moléculaire qui avait découragé les scientifiques depuis plus d'une décennie. Le jeu, c'est « Foldit », un jeu de pliage quelque peu scientifique, développé par des chercheurs du « Centre scientifique du jeu » de la même université. Pour gagner, il faut simplement trouver comment une molécule se replie en 3 dimensions pour créer une protéine. Le résultat, c'est la découverte de la structure moléculaire d'une enzyme liée au développement d'un rétrovirus proche du virus du SIDA. Une expérience, relayée dans l'édition du 18 septembre de la revue Nature Structural & Molecular Biology.
Les joueurs ont donc gagné en 3 semaines la partie que les scientifiques jouaient depuis 10 ans en découvrant la structure très complexe d'une enzyme rétrovirale en imaginant, grâce à ce jeu, la structure possible de l'enzyme protéique.
Cette famille d'enzymes, appelées protéases rétrovirales, joue un rôle essentiel dans la façon dont le virus du sida se développe et prolifère. Des recherches intensives sont en cours pour essayer de trouver des médicaments anti-sida qui pourraient bloquer ces enzymes, mais n'ont pas abouti faute de trouver à quoi ressemble la molécule de protéase.
«Nous voulions voir si l'intuition humaine pourrait réussir là où avait échoué des méthodes classiques», explique le jeune Dr Firas Khatib, chercheur au laboratoire spécialisé en structure des protéines du Dr David Baker, professeur de biochimie à l'UW.
Les joueurs sont parvenus à générer un modèle de structure assez cohérent pour que les chercheurs puissent prendre le relai pour l'affiner en quelques jours et « fixer » la structure de l'enzyme. Etonnamment, les surfaces de la molécule apparaissent, en plus, comme des cibles thérapeutiques probables pour désactiver l'enzyme. « Ces caractéristiques offrent des possibilités intéressantes pour la conception de médicaments antirétroviraux, dont médicaments contre le sida", écrivent les auteurs.
Combiner les jeux, la science et le calcul : L'objectif du Center for Game Sciences, explique son directeur Zoran Popovic, professeur agrégé de sciences informatiques et d'ingénierie, est de résoudre des problèmes scientifiques difficiles qui ne peuvent être résolus ni par des personnes, ni par des ordinateurs." Réussir à trouver la structure de l'enzyme du virus, indique la puissance des jeux en ligne pour canaliser l'intuition humaine et réunir des compétences pour résoudre des problèmes scientifiques." Les joueurs viennent de tous les horizons. Ici, c'est avec l'assistance d'un programme informatique appelé Rosetta, que les participants se sont « amusés » à configurer des graphismes de structures de protéines. Les jeux, la science et le calcul peuvent être combinés pour réaliser des avancées qui n'étaient pas possibles auparavant.
Au-delà de l'utilisation du jeu comme une approche novatrice, à généraliser dans les sciences ? cette découverte pourra très sérieusement contribuer à la recherche sur les causes et les médicaments contre le cancer, l'Alzheimer, les déficits immunitaires et beaucoup d'autres maladies, précisent les auteurs.
Source: Nature Structural & Molecular Biology (2011) doi:10.1038/nsmb.2119 “Crystal structure of a monomeric retroviral protease solved by protein folding game players” (Vignette Nature “représentation de la surface de la retropepsin », visuel « Le Foldit Void Crushers Group prédit la forme de la protéine avec succès »)