« Mais alors, concrètement, qu’est-ce qui va se passer pendant Evento ?» Voila une question que l’on a beaucoup entendue ces dernières semaines. C’était logique, compte tenu de l’ampleur de la communication déployée depuis le printemps autour de cette biennale artistique et urbaine qui se déroulera du 6 au 16 octobre. On allait voir ce qu’on allait voir ! Mais justement, jusqu’ici personne ne semblait vraiment capable de dire clairement ce qu’on allait voir. Après avoir expliqué le concept, le manifeste («l’art pour une ré-évolution urbaine»), présenté les artistes invités, leur méthode de travail (participative, donc difficile à planifier) il allait pourtant bien falloir présenter un programme un peu précis. Et bien c’est fait. Et c’est dense, très dense. En voici quelques grandes lignes.
1. Des expos
Trois expositions-phares doivent proposer aux visiteurs une observation des mutations historiques, urbaines et sociales de la ville. Au musée d’Aquitaine, six artistes ont été invités à travailler sur le thème de l’esclavage et du passé colonial à partir des pièces appartenant à la collection du musée bordelais. Parmi eux, William Kentridge ou Pascale Marthine-Tayou. (du 6 octobre au 23 janvier). Aux abattoirs, «Il était une fois demain» se projettera en 2030 pour évoquer les utopies urbaines bordelaises. Cela se traduira par une grande fresque, création commune d’un duo d’architectes-urbanistes (Stealth), d’un écrivain (Bruce Bégout) et de graphistes et dessinateurs de BD bordelais (du 6 octobre au 18 décembre). Enfin au CAPC, une carte blanche sera laissée au musée hollandais Van Abbemuseum, connu pour sa collection d’art engagé. Il présentera une exposition sur le thème du voisinage (du 6 oct au 12 février).
2. Des ateliers participatifs
Le projet participatif «la ville en commun» proposera tout au long de la biennale des ateliers permettant à chacun de se familiariser avec la pratique artistique de façon ludique, tout en participant à la création d’une oeuvre collective. Autour du miroir d’eau, il sera possible de créer une architecture modulaire composée de cadres de bois récupérés, de tester le concept de «Troisième paradis» cher à Michelangelo Pistoletto en «jouant» avec des cordons d’aluminium recyclés, de créer des éléments de mobilier à partir de journaux périmés ou de tresser des fils colorés pour créer un grand tissus unique, support à récit. D’autres ateliers se dérouleront au Grand Parc ou sur le parc des Berges. Citons aussi l’initiative du collectif LMDP qui proposera aux Bordelais de venir contribuer à la maturation d’une «cuvée Evento 2011». Une barrique de 300 bouteilles sera reliée à un dispositif d’enregistrement : chacun pourra s’adresser directement au vin et lui laisser un message !
3. Des «travaux pratiques»
La biennale Evento 2011 s’est construite autour du thème «l’art pour une ré-évolution urbaine» définie par Michelangelo Pistoletto. Il s’agit de s’interroger sur la façon dont l’art peut contribuer à la transformation sociale et durable de la ville et à faire évoluer la façon dont nous y vivons. Cette réflexion sera concrétisée sous forme de «travaux pratiques» dans le cadre des chantiers des savoirs partagés : ces chantiers devront «produire» des créations artistiques susceptibles d’avoir une incidence sur la vie du quartier. Il y en aura plusieurs en ville (le travail sur place a d’ailleurs déjà débuté), pilotés par des artistes internationaux invités, mais faisant appel à la participation d’associations ou de collectifs bordelais ainsi que de tous ceux qui peuvent se sentir concernés. Place André Meunier un «théâtre évolutif» sera construit, il s’intéressera à la façon dont on pourrait «fabriquer» une ville dans laquelle faune et flore seraient respectées comme des voisins à part entière. La halle des Capus sera transformée en un «Palace» où se dérouleront toutes sortes d’activités (en dehors des heures de marché). La Halle des Douves fera vivre ensemble une soixantaine d’associations du quartier, qui proposeront tous les jours des ateliers ou activités diverses. Etc etc... Tous les chantiers des savoirs partagés se réuniront le 8 octobre pour une grande nuit festive.
4. Des événements
De nombreux spectacles et temps forts vont rythmer les dix jours de la biennale. Des concerts, installations, performances théâtrales ou chorégraphiques vont se dérouler en divers lieux de la ville. Au-delà de la réflexion de fond sur la thématique de la ré-évolution urbaine, ces rendez-vous ont vocation à être avant tout des événements festifs accessibles à tous. Le 6 octobre, la biennale s’ouvrira sur le parvis du Grand-Théâtre par un spectacle-concert concocté par l’artiste italien Pippo Delbono (à 21h). C’est une performance participative, un appel a d’ailleurs été lancé pour trouver acteurs, danseurs ou comédiens amateurs susceptibles de se joindre aux «pros». Du 7 au 9 octobre, la chorégraphe Claudia Castellucci présentera le fruit du travail mené à Bordeaux depuis plusieurs semaines avec des danseurs amateurs. Trois représentations de «sorties de la caverne, l’école du rythme» seront données au Grand Théâtre (gratuit mais sur réservation). Côté musique, le projet «Sound Res» fera travailler ensemble, dans le cadre de workshops, des musiciens de renommée international, des étudiants du conservatoire de Bordeaux, des fanfares bordelaises. Cela sera accompagné d’événements musicaux comme une grande procession sonore conçue par Phil Kline, qui quittera la place de la Bourse pour déambuler en ville (le 7 octobre à 23h). Baptisée «unsilent Bordeaux», elle composera par l’intermédiaire de «ghetto-blasters» une symphonie urbaine à laquelle chacun, encore une fois, sera invité à participer. Le 15 octobre à 20h, une grande parade musicale s’élancera du miroir d’eau pour rejoindre la plaine des sports. Plusieurs autres parades ponctueront la biennale. Divers concerts et performances sonores sont aussi programmés. La base sous-marine accueillera par exemple l’installation sonore monumentale de David Sheppard. Enfin, c’est le quartier du Grand Parc qui accueillera la journée de clôture le dimanche 16 octobre. Toutes les oeuvres participatives créées y seront rassemblées, un concert «vertical» sera donné depuis la tour Mozart et un immense pique-nique collectif sera organisé.
Au-delà de ces quelques repères, le programme d’Evento comprend de nombreux rendez-vous, ateliers, propositions diverses et variées dont les contenus seront connus et annoncés au fur et à mesure. Consciente du foisonnement de propositions et de la difficulté d’en faire partager l’esprit, le sens et le contenu au grand public, l’équipe d’Evento 2011 a formé 50 médiateurs qui se trouveront dans les rues ou dans un espace médiation ouvert au 91 rue Porte Dijeaux. Ils ont été entraînés spécialement pour répondre à la question
« Mais alors, concrètement, qu’est-ce qui va se passer pendant Evento ?»•
Sophie Lemaire