« Ah ! si l'on découvrait que la passion de l'art est inséparable d'un gène supplémentaire ! Gène par lequel l'amateur -- de nouveau semblable en cela au créateur -- rapporte l'oeuvre d'art au monde de l'art, un tableau de modistes de Degas, à l’impressionnisme et non aux chapeaux, le sonnet de Mallarmé à la poésie et non à Cléopâtre. Bien plus qu'aux sociétés de collectionneurs, les sectes de l'art font penser aux homosexualités libres, où les homosexuels n'étaient ni élus ni maudits (alors que le mot sodomie s'inscrira sur un fond de bûchers). Leurs adeptes ne devenaient pas homosexuels parce qu'ils préféraient les garçons aux filles, ils les préféraient parce qu'ils étaient homosexuels. Las artistes n'attribuent pas leur art des valeurs des valeurs supérieures à celles de la vie, ils les éprouvent telles, comme ce qui concerne le Christ possède pour un chrétien une valeur irréductible du seul fait de le concerner. L'art partage d'ailleurs avec les religions la présence des morts. La littérature unit présent et passés littéraires, comme les grandes religions unissent le présent au passé sacré. Aux yeux des laïques, un livre est contemporain ou témoin d'un passé. Mais la secte lit-elle Eschyle, Shakespeare, Pascal, comme des témoins de leur temps ? »
Maintenant, lecteur, une grande respiration, une gorgée de thé. Dans le même paragraphe le pédé et le Christ pour définir ce qu'est un amateur d'art. Et, au passage, une définition de l'homosexualité -- toujours pas tranchée de nos jours, génétique ou acquise : l'est-on, ou le devient-on ? Ou, comme chez PROUST, en est-on ?