L’Université ne remplit sa mission que si elle bénéficie d’une totale indépendance à l’égard de tout pouvoir. Les étudiants doivent accéder à un savoir sans frontière. Peuvent-ils être prisonniers d’un État?
Un article publié en collaboration avec l’ALEPS (*)
Dans un précédent billet, nous avons expliqué comment l’école peut se passer de l’État, en laissant de côté l’Université. Voici pourtant un domaine où la pratique mondiale est simple : sélection, autonomie, concurrence et diversité des universités. Est-il besoin d’un monopole d’État ?
Enseignement et science
L’Université n’est pas un corps d’« enseignement supérieur », contrairement à ce que l’on dit. Elle n’est ni une grande école, ni un institut professionnel. Elle est le lieu de l’élaboration et de la transmission du savoir. Seule l’Union Soviétique avait séparé enseignement et science : l’État choisit les connaissances que l’on doit enseigner à la jeunesse.
L’Université ne remplit sa mission que si elle bénéficie d’une totale indépendance à l’égard de tout pouvoir : politique, religieux ou financier. Comme la science, l’Université est sans frontière, et à l’heure actuelle les étudiants doivent accéder au savoir mondial, et ouvrir leur esprit à la faveur de rencontres internationales. Peuvent-ils être prisonniers d’un État ?
Diplômes d’Université
Les diplômes d’État doivent donc disparaître. Chaque Université doit librement choisir et ses programmes, et ses maîtres, et ses étudiants. À leur tour, les étudiants choisissent une Université en fonction de la qualité des diplômes qu’elle délivre et de ce qu’ils recherchent à travers leurs études. Plusieurs universités peuvent se donner un label commun.
L’entrée en Université ne peut être considérée comme un « droit social ». L’Université est sélective, chaque Université ayant ses propres critères de sélection. Le coût des études peut en être un : les meilleurs maîtres, les meilleurs équipements coûtent sans doute plus cher, et les moyens mis par l’Université à la disposition de la recherche scientifique (bibliothèques, laboratoires) dépendent également de la quantité et du niveau des droits d’inscription.
La concurrence entre Universités
Chaque Université met un point d’honneur à attirer les étudiants de meilleure qualité, mais une grande diversité peut exister dans l’offre universitaire. Par exemple on voit aujourd’hui se multiplier les Universités en ligne. Comme le niveau et le développement de chaque Université dépendent de la satisfaction des familles et des étudiants, il y a intérêt à faire du mieux possible. On évite ainsi l’incurie d’universités où les enseignants sont des fonctionnaires à vie, les crédits alloués de façon mécanique ou arbitraire, et les étudiants prisonniers d’une carte universitaire.
Avec la concurrence, les professeurs eux-mêmes sont soumis à la pression car leurs contrats sont à durée déterminée. Le système des chaires (tenures) offertes à vie s’est révélé peu satisfaisant. La « précarité » des enseignants les pousse au « stakhanovisme intellectuel », et à la multiplication des publications ; mais il y a souvent chez les universitaires alternance entre vie professionnelle et vie universitaire, pour le plus grand bien de la recherche et de l’enseignement.
Les barrières financières
Peut-on imaginer que des enfants doués soient exclus du système universitaire pour des raisons financières ? Certainement pas. Si le coût des inscriptions est élevé, il existe – notamment aux États-Unis – des systèmes efficaces de bourses. Les unes proviennent de l’aide publique, dispensée par les villes ou les États. Ces universités « publiques », comme les autres, effectuent une sélection, elles ne disposent d’aucun monopole, et jouissent d’une large autonomie. D’autres bourses viennent des très nombreuses fondations privées (laïques ou confessionnelles) qui bénéficient elles-mêmes d’exemptions fiscales – la loi fiscale donnant le choix au contribuable entre payer des impôts pour l’Université ou payer pour des fondations qui gèrent les universités et ne pas payer d’impôt.
Enfin, et non le moindre, les banques n’hésitent pas à financer les études de jeunes gens qui investissent ainsi en « capital humain » qui leur garantit de meilleurs revenus plus tard et leur permettra de rembourser. En Angleterre, c’est l’État qui se fait banquier, et se remboursera sur les revenus des étudiants devenus salariés ou professionnels (le gouvernement Cameron n’a pas augmenté les droits d’inscription, comme il a été dit, mais les taux de remboursement).
Les entreprises universitaires
Des universités peuvent être gérées comme une entreprise, et distribuer des profits. Certes des Universités « ordinaires » peuvent aussi avoir des excédents d’exploitation. Mais si l’Université est organisée en société commerciale, les actionnaires peuvent s’approprier ces excédents ; cependant ils ont souvent tendance à laisser leurs profits dans leur université. Les fondations sont tenues elles aussi à une certaine rentabilité.
À l’autre bout de la chaîne, on trouve des universités totalement gratuites pour les étudiants, ouvertes à des jeunes gens pour qui les portes se sont fermées ailleurs. Les « académies » instaurées par l’Église Catholique dans de nombreux pays (notamment latino-américains), avec le financement charitable de familles aisées, obtiennent des résultats spectaculaires.
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Article repris du site de l’ALEPS, Libres.org, avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.
(*) L’ALEPS, présidée par le Professeur Jacques Garello, est l’Association pour la Liberté Économique et le Progrès social, fondée il y a quarante ans sous l’autorité de Jacques Rueff, dans la tradition intellectuelle française de Jean Baptiste Say et Frédéric Bastiat.