L’affaire d’Outreau est sans doute l’une des plus grandes erreurs judiciaires de ces dernières années. Présumé coupable s’intéresse au destin individuel de l’une des victimes, l’huissier Alain Marécaux. Vincent Garenq filme la descente aux enfers d’un homme démoli par une justice absurde et indifférente. Un cinéma authentique et glaçant.
Synopsis : Le film raconte le calvaire d’Alain Marécaux – « l’huissier » de l’affaire d’Outreau – arrêté en 2001 pour d’horribles actes de pédophilies qu’ils n’a jamais commis.
Disons-le clairement : la comparaison entre les deux films permet tout simplement de différencier le téléfilm à message poussif du vrai film de cinéma, qui élève son propos au niveau d’une tragédie humaine effroyable. Présumé coupable est la véritable oeuvre d’un auteur qui capte, à travers ce drame récent, la souffrance d’un individu broyé par une machine collective aveugle. Les rouages peuvent parfois s’emballer, la justice devenir folle. Tout système collectif présente le danger de devenir incontrôlable, prisonnier d’une mécanique bien pensée qui fonctionne 99 fois sur 100 et qui devient terrible quand elle ne fonctionne pas.
La caméra à l’épaule, l’absence de musique, le choix de suivre les faits et rien que les faits sans apporter aucun élément de fiction inscrivent Présumé coupable dans le cinéma-vérité. En ne se focalisant que sur le destin d’Alain Marécaux et en passant volontairement à côté de l’ensemble de l’affaire et des douze autre prévenus, Vincent Garenq fait le choix d’approcher au plus près du réel le destin d’un seul homme et d’en faire un cas universel.
Philippe Torreton donne à son personnage une épaisseur surprenante, son drame devient tout aussi singulier qu’il prête facilement à l’identification, ses réactions sont les siennes et pourtant elles trouvent en nous un écho déchirant. Ici, pas d’histoire de racisme, de victime idéale, de non-maîtrise de la langue ou d’insuffisance culturelle comme dans le cas d’Omar. Alain Marécaux est un homme exactement comme tous les autres, plutôt plus protégé que tous les autres même, puisqu’il mène une vie de famille assez confortable et exerce un métier bien respectable. Il ne peut pas imaginer de quoi on l’accuse et l’affaire à laquelle il est mêlée lui tombe dessus d’absolument nulle part. Il ne s’agit pas d’un crime classique avec meurtre, faux coupable et bouc-émissaire. L’affaire est sordide, les accusations sont surréalistes et les preuves sont absentes. Mais Marécaux se heurte à un système judiciaire froid et sûr de lui, déshumanisé, une machinerie sans état d’âme, sans scrupule, même sans préjugé. Il n’y a même pas la volonté d’accuser quelqu’un, simplement celle de suivre une procédure en oubliant tout jugement humain, à l’image de ce juge Burgaud qui exerce son métier comme il ferait une tâche ménagère, impassible, étranger à tout sens des réalités humaines qui se cachent derrière l’accusation. Le visage glacé et distant d’une société mécanisée qui traite les êtres humains avec indifférence, plus sensible aux quotas et aux statistiques qu’aux réalités individuelles.
Certes, Présumé coupable se fait chronique judiciaire et par là reste prisonnier de l’histoire qu’il raconte. Le film se construit alors de nombreux passages obligés, interrogatoires, arrivée dans une cellule hostile, larmes échangées au parloir, procès. Jamais le spectateur n’est surpris ou transcendé par le récit. Mais il est indiscutablement touché. Car Vincent Garenq dessine l’opposition fondamentale qui existe entre l’individu et la société. Entre soi et les autres. Alain Marécaux est seul. Présumé coupable est un film terrifiant car il raconte l’impuissance totale de l’individu quand un appareil collectif absurde décide de l’écraser.
Note : 6/10
Présumé coupable
Un film de Vincent Garenq avec Philippe Torreton, Wladimir Yordanoff et Noémie Lvovsky
Drame – France – 1h42 – Sorti le 7 septembre 2011