Le MoDem prend de l’avance sur les autres pour réunir les forces centrales du
pays. Une rentrée politique qui a dopé François Bayrou dans une France en état de crise : « Mon premier message, c’est celui d’un rassemblement
calme et serein. La famille politique du centre a été éclatée pendant trop longtemps ; un jour prochain, elle se reconstruira. ». Première partie.
Pourtant, ce qu’il s’est passé à Giens ce week-end n’était pas anodin. Vous descendez à Toulon, prenez la
route de l’aéroport d’Hyères, continuez par la départementale 197, traversez La Capte, La Bergerie, choisissez la direction de la Tour fondue à la pointe sud-est et juste avant d’arriver au petit
port qui assure les liaisons avec Porquerolles, vous tournez sur votre gauche et débarquez au Balambra Club, un village vacances de France (VVF) assez classique pour se prélasser au soleil ou
participer à une manifestation politique.
Deux centres avec les mêmes valeurs
À l’heure actuelle, il existe deux organisations centristes que ni les idées ni les
amitiés n’opposent vraiment. Mais dont la stratégie est différente, et encore, aujourd’hui, c’est surtout l’historique des ego, des trahisons ressenties d’un côté comme de l’autre, qui creuse un
fossé qui ne devrait pas avoir lieu d’être : le centrisme bio de François Bayrou, qui peut se prévaloir d’une indépendance totale avec l’UMP, au prix d’une absence de groupe parlementaire et de fuite des élus ; et le centrisme synthétique (recomposé) de Jean-Louis Borloo, qui a
réussi à fédérer ses troupes dans une Alliance (l’ARES) autour des radicaux valoisiens (qui avaient rejoint l’UMP en avril 2002) et du Nouveau centre (partie issue de l’UDF canal historique qui
avait rejoint la majorité présidentielle en avril 2007).
Quand je dis que rien n’oppose ces deux camps, c’est simplement parce que les seconds, qui participent encore
au gouvernement, ont compris la nécessité d’une indépendance vis-à-vis de l’UMP, une indépendance qui risque de coûter très cher aux finances des radicaux puisque l’UMP refuse de leur reverser
cette année le 1,2 million d’euros correspondant à leurs députés (toujours inscrits au groupe UMP à l’Assemblée Nationale). Le contentieux financier a franchi d’ailleurs une étape judiciaire et
probablement Jean-Louis Borloo attend un peu de visibilité pécuniaire avant de se déclarer candidat.
Capacité ou incapacité à rassembler
Les 10 et 11 septembre 2011, l’atmosphère avait d’ailleurs été très lourde pour les centristes de l’ARES
réunis à la Grande-Motte car on observait un choc des ego entre Jean-Louis Borloo et Hervé Morin, ce dernier
ayant toujours des velléités de candidature malgré sa très faible notoriété (équivalente à celle de Jean-Michel Baylet).
Alors que c’était la première manifestation publique du regroupement de Jean-Louis Borloo, cette division
affichée si bruyamment a fait désordre et a apporté une ambiance assez désolante pour ceux qui souhaitent l’union et le rassemblement.
C’est cette odeur de division que François Bayrou a réussi à chasser à Giens en se montrant au contraire
comme le meilleur rassembleur de la famille centriste. Et l’on peut dire qu’il a fait très fort en
réussissant à convaincre l’ancien Ministre d’État Pierre Méhaignerie, actuel président de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale et vice-président de l’UMP, à faire le
déplacement à Giens.
Pierre Méhaignerie (72 ans)
La complicité entre Pierre Méhaignerie et François Bayrou n’est pas vraiment une surprise puisque le second
avait succédé au premier (avec son soutien) à la présidence du Centre des démocrates sociaux (CDS) lors du congrès très incertain de Vincennes les 10 et 11 décembre 1994.
Pierre Méhaignerie a
fait partie de ces centristes (de l’UDF) qui ont immédiatement rejoint l’UMP en 2002 alors qu’il était en position de force, localement (en Bretagne), de rester indépendant du RPR. Depuis près de
dix ans, il semble regretter de plus en plus son initiative mais il n’a pas fait grand chose pour changer les choses. Le discours de Grenoble a sans doute été l’élément le plus révoltant pour les centristes qu’il représente.
Ce à quoi François Bayrou a répondu : « Je ne regrette
aucun des choix que nous avons faits depuis quatre ans, aussi difficiles qu’ils aient pu l’être. L’indépendance nous permettra de rassembler des sensibilités diverses. (…) Ce n’est pas le
vice-président de l’UMP que j’accueille, mais celui qui a été avant moi le président de cette famille politique. ».
Bernard Bosson (63 ans)
Autre personnalité que François Bayrou a réussi à faire venir à Giens, l’ancien ministre Bernard Bosson,
aujourd’hui en retrait de la vie politique et ancien complice des "Trois B" (avec Dominique Baudis) et des
"Rénovateurs" au printemps 1989.
L’ancien député-maire d’Annecy a reconnu le 17 septembre 2011 que l’indépendance politique était une
nécessité : François Bayrou « nous a apporté, je dois le reconnaître ici, ne l’ayant pas accompagné dans cette voie, de n’être aujourd’hui dans
aucun camp et d’avoir acquis là une inestimable liberté et un poids déterminant. Il est d’ailleurs ainsi le seul à pouvoir demain redonner unité et vie au centre dans notre pays ».
Jean Arthuis (presque 67 ans)
Des proches de la majorité actuelle
Étaient également présents à Giens l’ancien député-maire UDF de Rouen, Pierre Albertini, qui avait renoncé à
la vie politique en 2007, l’ancienne Défenseure des enfants, Dominique Versini, qui fut ministre des gouvernements Raffarin, ainsi qu’Anne-Marie Idrac, ancienne ministre Nouveau centre du
2e gouvernement Fillon, qui a justifié sa présence ainsi : « Je suis là car François Bayrou a une vision
juste ! ».
Toutes ces personnalités politiques ont pour point commun d’avoir pris leurs distances après 2007 avec
François Bayrou en s’opposant à sa stratégie isolationniste. Le MoDem a également accueilli (entre autres) l’avocat général Philippe Bilger, l’économiste Michel Godet et les journalistes Jean-François Kahn et Philippe Meyer.
L’année dernière déjà, quelques personnalités proches de la majorité présidentielle avaient tenu à
accompagner François Bayrou à Giens : les anciens ministres Jean-François Mattéi et Luc Ferry, le
futur ex-Médiateur de la République Jean-Paul Delevoye (ancien responsable du RPR et aujourd’hui président du Conseil économique, social et environnemental) et l’écrivain et ancien ambassadeur
Jean-François Rufin.
Stature internationale
François Bayrou n’a pas lésiné pour sa crédibilité internationale en recevant le 18 septembre 2011 Francesco
Rutelli, l’ancien maire de Rome qui fut à la tête de la coalition de centre gauche contre Silvio Berlusconi en 2001, Guy Verhofstadt, ancien Premier Ministre belge, Pax Cot, l’ancien Président irlandais du Parlement européen, et aussi Nejib Chebbi, leader du Parti démocratique progressiste tunisien
(PDP).
Dans la seconde
partie, j’évoquerai le programme du Modem et son supposé "recentrage" pour de futures alliances en 2012.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (23 septembre 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La famille
centriste.
Jean-Louis
Borloo est-il vraiment déterminé ?
François Bayrou a-t-il encore un avenir présidentiel ?
Vidéo du discours de François Bayrou le 18
septembre 2011 à Giens.
Vidéo des discours de Bernard Bosson et de Jean Arthuis le 17 septembre 2011 à Giens.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-le-rassembleur-de-101122