Foin des révoltes et des révolutions, foin des crimes et des prisons arbitraires, de la misère endémique, des restrictions constantes aux plus petites libertés, la littérature parle d’autre chose.
La littérature ou ce que les éditeurs veulent nous faire passer pour de la littérature ?
Qu’est le libre arbitre de l’écrivain s’il doit se conformer aux normes établies ailleurs que devant sa table de travail pour exister, se faire un nom, dans l’ère du totalitarisme médiatique ?
Chose curieuse que celle-ci, non ?
Voilà que depuis un an la révolte gronde. Elle croisa même un temps les correspondances dans un silence glacial du monde des livres présents. Et voilà qu’un an après on persiste à nier l’évidence, à détourner l’attention, à inviter un public de plus en plus captif à regarder ailleurs.
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Alors, bien sûr, je profitais matutinalement, de devoir mettre une lettre dans une boite postale pour faire un petit détour par les lieux de réjouissance.
Tout sentait le propre et les rues étaient balayées, puis désinfectées à l’essence de lavande. Les places étaient désertes, et les scènes avaient un aspect fantomatique. Seuls déambulaient les matinaux, qui pour acheter son journal, l’autre pour s’arrêter, baguette sous le bras, pour quelque aimable discussion.
Je m’arrêtais prendre un café et feuilletais les journaux : bien sûr la réception de la veille y tenait bonne place. Monsieur le premier magistrat avait prévenu qu’il ne s’agissait nullement d’une opération commerciale, mais bien d’une manifestation littéraire désintéressée.
Puis les édiles laissèrent la place au premier à entrer en lice, sous le feu des questions de Pascal Jourdana. Eric Puchner[1] était venu ouvrir le bal de ses Etats-Unis, pour son roman, « Famille modèle ». Je suis désolé de devoir avouer n’avoir pas eu le temps de lire, bien que me l’ayant procuré in extremis, une fois le programme fixé. Une famille américaine s’installe en Californie pour y suivre le rêve américain, mais se heurte aux fiascos monétaires de l’heure…
Mais voilà que me viennent d’étranges idées. Car, voyez-vous, j’ai mis à profit mon été pour lire, beaucoup lire, et prioritairement les livres présentés ici jusqu’à dimanche. Et voilà que me frappe une similitude des thèmes développés : Eric Puchner ouvre le bal et c’est la famille qui s’invite. Mais pas n’importe quelle famille : la famille bien ancrée dans ce monde, celle qui se brise dès que son apparence s’écaille, sur le mur des mensonges que l’époque impose. Et ce thème sera repris par les coryphées, sous des formes légèrement différentes, mais qui se rejoignent sur le fond : comme si cette thématique faisait se rejoindre les écrivains de cette rentrée, comme s’ils se faisaient du pied sous la table éditoriale pour aborder le même sujet, en le répétant à l’infini de leurs styles d’écriture.
Qu’est-ce qui peut bien ainsi dicter que tant de livre, au même moment, puissent aborder le même sujet, alors que les raisons d’écrire en ce monde sont si diverses, et les préoccupations si variées ?
Une forme de réponse, peut-être, si je m’en réfère au livre de Thierry Discepolo[2] , se profilerait : c’est le groupe Albin Michel et son distributeur, Hachette qui se cachaient derrière le siège d’Eric Puchner, hier soir.
Xavier Lainé
Manosque, 22 septembre 2011
[1] Eric Puchner, Famille modèle, éditions Albin Michel
[2] Thierry Discepolo, La trahison des éditeurs, éditions Agone