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Trou d’air pour l’espace russe, l'édito d'Alain Cirou

Publié le 22 septembre 2011 par Cieletespace

20080701_AlainC_38.jpg L'espace russe vit des heures difficiles. Nonobstant la bénédiction donnée par le prêtre orthodoxe de l’église de Baïkonour, sur le pas de tir avant chaque départ de fusée, ce ne sont pas moins de quatre lanceurs, en neuf mois, qui ont échoué à placer leur charge sur orbite. En tout, six satellites ou vaisseaux détruits, 400 millions d’euros de perte pour l’agence spatiale russe Roskosmos — dont, le 24 août, le cargo Progress qui transportait trois tonnes de vivres et de matériel à destination de la station spatiale internationale (ISS). Et ce dernier épisode, catastrophique pour l’image de fiabilité des fusées Proton et Soyouz, est le premier problème qui touche un vaisseau Progress depuis sa mise en service en 1978, du temps de l’Union soviétique.

Paradoxalement, cette série noire intervient au moment où l’industrie spatiale russe est en pleine modernisation. En effet, à la fin des années 1990, l’éclatement de l’URSS a privé ce secteur de tout moyen. Enfant chéri du système depuis Spoutnik et Gagarine, il est au cœur de l’effondrement de la branche militaro-industrielle, qui se caractérise alors par une totale opacité des coûts réels et une nébuleuse obscure d’acteurs décideurs. Des centaines d’entreprises intriquées, dépendantes d’une dizaine de ministères, ont vu alors leurs budgets disparaître brutalement et leurs ingénieurs expérimentés changer d’activité. Il faudra attendreVladimir Poutine, au début des années 2000, alerté par la déliquescence de ce secteur stratégique, pour voir se dessiner un plan de restructuration et surtout, un budget remis à flot qui atteint aujourd’hui 2 milliards d’euros.

Le plan de charge de l’industrie spatiale russe n’est pas mince : avec la fin des navettes spatiales américaines, elle a l’obligation de desservir l’ISS. À 50 millions de dollars le siège, l’affaire est financièrement attractive… De la même façon, l’exportation du Soyouz en Guyane est une nouvelle et belle ouverture commerciale pour le lanceur le plus sûr du monde : plus de 1 770 vols enregistrés avec succès.

Quant à la demande civile et militaire d’équiper la Russiemoderne de systèmes de communication et de localisation à partir de l’espace, elle est jugée stratégique par le pouvoir en place. Tout devrait donc être “vert”. Mais le plan de restructuration n’est pas abouti. Sur les chaînes de fabrication, les contrôles qualité et sécurité sont critiqués. Le secteur manque de cadres qualifiés et les salaires ne sont pas attractifs. En moyenne, la rémunération d’un ingénieur de Roskosmos ne dépasse pas 600 € (contre 1 000 € pour un salaire moyen à Moscou). “Il n’est pas normal qu’un spécialiste de l’aérospatiale reçoive le même salaire qu’un vendeur de glaces”, écrit un expert dans la revue Novosti Kosmonavtiki. Enfin, les circuits financiers restent opaques et l’afflux de dollars attire les convoitises.

Quoi qu’il arrive, cette série de déboires a d’ores et déjà des conséquences. À Moscou, bien sûr, où l’on s’active pour restaurer la fiabilité des lanceurs. Et aux États-Unis, où, moins de deux mois après l’arrêt des navettes, le Congrès s’émeut de sa dépendance d’accès à l’espace habité. Une situation “d’apesanteur” politique américaine, pendante au trou d’air russe.

par Alain Cirou

directeur de la rédaction de Ciel & Espace

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Ciel & Espace, numéro d'octobre 2011, Découverte, on a vu naître les étoiles.


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